lundi 27 février 2017

Atelier d'écriture du 13/02/2017 - 18h15

Animé par : Greg
Trajets et promenades rituelles
a) Refaire en pensée une promenade rituelle de son enfance (= trajet agréable) ou de son adolescence (= trajet parfois minime) ou un trajet du quotidien, de chez soi une fois la porte close au franchissement du portail du collège (= trajet utile) => description itinérante.
b) Dresser une liste des lieux extérieurs du quotidien, et trouver pour chacun des vues immobiles du dedans vers le dehors, en imposant qu’il y ait toujours un cadre (une fenêtre, une visière de casque, la ligne d’un arrêt de bus, la porte de sortie d’un magasin) et un peu de ciel.
c) Réfléchir à « tous les lieux où on est immobile, même provisoirement, mais de façon répétitive dans le quotidien, pour regarder la ville » (arrêt de bus, feu rouge, banc, queue à la boulangerie, devant une porte pour prendre sa clé…)
***
Chemin d’enfance

C’est le chemin des Peupliers, le chemin qui mène de la Ferme des Peupliers, à la Place de la ville.
Passer de la campagne, la grande bâtisse de briques rouges, la cour carrée intérieure, l’étable, le poulailler, les prairies ... au Bourg, ses commerces, l’école, l’église, le bus, le tram ...
Franchir toute la verdure, traverser les champs, longtemps, pour mes petites jambes et sortir du domaine familial, quitter le silence et le ciel ouvert sur le rideau de peupliers, aller à la découverte du monde.
Toute petite, je sais que ce chemin, que mes pas sont inscrits en moi, avant moi. Papa nous racontait : « par tous les temps, nous allions à pied à l’école, nous portions le lait ou les pommes de terre à vélo, avec mes frères et sœurs, nous le connaissions par cœur ».
Je marche avec la mémoire et le regard de mes ancêtres. Je parcours avec curiosité chaque saison, jamais je ne suis seule.
Toute petite, je sens que les traces laissées ont la qualité de l’éternité : toute ma vie racontée au fil des labours, des haies, des saules pleureurs le long de la becque, de la curiosité des vaches. Chez nous, elles partagent toutes la même robe, noir et blanc.
Parfois, l’odeur de la terre grasse et luisante, de la paille scintillante, piquante, des près verts, ondulant sous la bise.
Quitter le ferme, c’est passer par une porte symbolique et stricte, passer au Calvaire, là où la grand-mère paternelle a édifié sa gratitude et son chagrin caché. Ici, j’ai initié une voie de liberté.
A trois ans et demi, Papa m’a emmenée avec lui contrôler une récolte du champ du calvaire. Il m’a dit : « attends-moi là », juste derrière la croix levée, la haie
... et moi, j’ai continué. Je me souviens, le ciel bleu pur, un soleil qui illuminait tout le vert. Je me vois tranquille et heureuse, émerveillée, j’avance, je regarde tout, je respire, j’aime tout, j’aime la vie, j’aime cet instant à la folie, mon cœur de petite fille, si sage, chante.
A la fin des saules pleureurs, il y avait à gauche trois maisons de briques, la dernière accueillait un estaminet : « Le Tivoli ». La patronne était dehors, elle dit « c’est qui cette petite fille ? » ... et je sens la main de mon père qui m’attrape le bras ... Enfin, ça c’est la scène raccord entre mon souvenir de bonheur et le retour puni à la maison ! J’ai effacé Papa qui me rattrape, j’ai oublié ma désobéissance, sa peur.
J’ai gardé, avec fierté, au creux des fossés et des terriers, aux frémissements des frondaisons, le long de ce précieux chemin, une petite niche secrète, ressource sur mon chemin de liberté.

Annie
*** 
C’était le soir. Le ciel était déjà sombre en hiver et lorsque les jours s’allongeaient, il prenait la couleur rouge-orangée du soleil qui tardait à se coucher. J’avais dans ma main gauche une biche : un petit récipient cylindrique en aluminium avec une anse. La chaînette qui reliait la biche à son couvercle tintait doucement. Dans ma main droite, j’avais la main d’une de mes sœurs. Le trajet était court. Au bout de cent mètres à peine de route goudronnée, on longeait un petit mur de pierres sèches et on descendait sur la droite dans l’herbe en direction d’un bâtiment minuscule d’où sortait une vague odeur de bouse et quelques beuglements discrets. Dans cette étable, nous surprenait une douce chaleur exhalée par les naseaux de deux vaches dont une se faisait traire par une vieille dame aux cheveux blancs. « Bonjour, mes petits », disait-elle en nous voyant arriver. Elle tirait sur les trayons de la vache pour en sortir un lit tiède et bourru. Nous attendions patiemment qu’elle eût terminé. Elle se levait alors, prenait notre biche et prélevait du lait avec une énorme louche dans une autre biche qui était une version géante de la nôtre, puis elle transvasait le liquide blanc dans notre petit récipient. Et nous revenions, chargés de notre provision de lait. Quand la dame aux cheveux couleur du lait s’est débarrassée de ses vaches, il a été impossible à mes parents de nous faire boire du lait demi-écrémé en tétra-pack pendant plusieurs années.
*
Rien de plus rageant que de louper le tram quand il vous passe devant le nez. Manquaient dix mètres, tant pis.
Le ciel est gris avec des nuances infinies, au-dessus du la tour de la Cité du Design, en forme de L inversé. Inquiétante structure. On dirait le squelette d’un immeuble ayant subi un bombardement ou d’une bête préhistorique. Devant moi, à quelques mètres, se dresse une plate-forme en béton sur laquelle est posée une cage de verre fendue qui contenait, il y a encore quelques mois, une œuvre d’art constituée de néons figurant l’aménagement intérieur d’un appartement. Vous n’y comprenez rien ? Moi non plus. Pas le temps, le tram est arrivé, je m’y suis faufilé et je suis arrivé à temps pour boire un café avec Henri, avant d’écrire des quelques lignes vaseuses et mélancoliques.
Greg.
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