jeudi 28 juillet 2016

Atelier d'écriture du 04/07/2016 - 18h15

Animé par : Marie-Hélène
Extrait de « Les Fleurs Bleues » de Raymond Queneau
« Le vingt-cinq septembre douze cent soixante-quatre, au petit jour, le duc d'Auge se pointa sur le sommet du donjon de son château pour y considérer, un tantinet soit peu, la situation historique. Elle était plutôt floue »
Imaginer la suite.
***

Le Baron d'Arconay ne lui avait pas prêté hommage, c'est-à-dire qu'il n'avait pas renouvelé la promesse de feu son père d'être son vassal et de le servir à chaque fois que son devoir le lui commanderait. Ce félon avait en outre promis sa fille au Duc de Lamaury, dont les terres avoisinaient la baronnie.
Le Duc d'Auge ne savait donc pas quoi faire. Entrer en guerre contre ce d'Arconay de malheur pour tenter de mater ce malotru et encourir les foudres du Duc de Lamaury dont l'armée pouvait fort bien entrer en campagne, envahir son duché et le mettre à sac ? Sans compter que Lamaury était bien vu à la cour du Roi de France.
Ou bien laisser faire les choses, alors que son honneur était en jeu, et risquer de passer pour un faible aux yeux de ses vassaux qui s'empresseraient alors d'imiter ce traître et de se mettre sous la protection d'un autre suzerain.
Son destrier hennit dans l'écurie. Il descendit prestement du donjon pour prendre conseil auprès de lui.
« Va falloir faire un choix, dit l'animal en mâchouillant une gerbe d'avoine.
« Je sais bien, dit le Duc en soupirant.
Il s'assit sur la paille, découragé.
« Je t'envie, toi et ta vie de canasson. Tu n'as pas de dilemmes, tu vas où les hommes te mènent, reprit-il.
« Tu m'emmènes à la guerre ou à la chasse, sans me laisser le choix. Toi, tu as le choix et les responsabilités de prendre des décisions t'incombent. Chacun ses difficultés, répondit l'animal philosophe.
« Alors, que me conseilles-tu, ô ami équidé ?
Le cheval engloutit encore quelques bouchées d'avoine et le silence s'installa, uniquement troublé par le bruit des molaires écrasant les tiges.
Puis il déglutit et se tourna vers son maître.
« Il y a une troisième solution entre la défaite militaire et le déshonneur. J'ai cru comprendre que ce baron était veuf, comme toi. Propose-lui une de tes filles en mariage et une partie de tes terres en dot.
« Mes terres ? Alors je devrais céder des terres et confier une de mes filles, la prunelle de mes yeux, à ce criminel ?
Si le cheval avait eu des épaules, il les aurait haussées.
Il plongea son museau dans le bac et but goulûment.
Puis il releva la tête et dit d'un ton sentencieux :
« Entre la mort et le déshonneur, le passage est parfois étroit et tortueux. À ta guise, mon maître.
Il émit ensuite un hennissement qui fit trembler les murs de l'écurie.
Le sage avait parlé. Le Duc se retira et remonta sur le donjon pour considérer la situation d'un œil neuf.
Un dilemme à trois issues. Ça se compliquait considérablement.
« Quelle idée aussi, de demander conseil à un cheval, se dit-il en marmonnant.
Greg.

Atelier d'écriture du 27/06/2016 - 18h15

Animé par : Carole



Deux thèmes au choix :

« Étant donné un mur, que se passe-t-il derrière ? »

« Les maillots qui grattent »
***


Au pied du mur en pierre entourant le domaine jouxtant mon modeste jardin, se trouve un petit arbre faiblard sur les branches duquel poussent deux ou trois feuilles maladives. Je le regarde parfois, juché sur un seau retourné, par-dessus le mur en caillasse grise. Il me fait de la peine. Personne ne vient l'arroser, le soigner, le dégager des ronces qui l'enserrent. Pourtant, la maison du propriétaire est presque entièrement dissimulée par d'immenses chênes aux troncs massifs et vigoureux.

Pourquoi cet arbre, à part des autres, souffre-t-il autant, pourquoi ne pousse-t-il pas et ne ressemble-t-il pas à ses congénères avec lesquels il partage pourtant la même terre. De temps à autre, n'écoutant que ma compassion, je tente de l'arroser. Par-dessus le mur, je lui lance un peu de compost pour le fortifier. Mais il ne grandit pas, comme s'il dédaignait toute nourriture. Alors quoi, un arbre dépressif ? Un arbre qui se laisse mourir, est-ce possible ?

J'en parle à un de mes amis du village, paysan de son état, qui m'indique alors les coordonnées d'un type étrange, vivant à l'écart, dans une cabane sur l'autre versant de la colline.

« Il pourra peut-être t'aider, me dit-il, sans plus de précisions.

Le lendemain, je chausse mes godillots de marche, empoigne un sac avec de l'eau et des vivres pour aller voir cet homme mystérieux.

Je frappe à la porte de la cabane. Pas trop fort. Elle n'a pas l'air très solide. Elle pourrait même figurer dans l'histoire des trois petits cochons. Étonnant qu'elle soit encore debout, avec les tempêtes qu'on se paie parfois dans le secteur.

Pas de réponse. Je reste quelques instants, les bras ballants. Puis une voix retentit derrière moi, une voix grinçante : « Vous cherchez quelqu'un ? »

Oui, je réponds. Je me retourne. Je comprends que c'est lui. Un chapeau à larges bords, un corps sec, un bâton de marche noueux à la main, la peau burinée par la vie au grand air. J'ai l'air d'un citadin à côté.

Je lui raconte mon problème. Il hoche la tête.

« On y va ! Dit-il en entamant le chemin en direction de mon domicile.

Dans mon jardin, au pied du mur, il examine un instant les pierres, puis il grimpe lestement et se laisse tomber de l'autre côté.

« Vous êtes sûr ? Je lui demande, vaguement inquiet.

« Le domaine est abandonné, me répond-il en haussant les épaules.

Rassuré, je le suis. Il s'avance vers l'arbre et se concentre intensément. Puis il touche une de ses rares feuilles, son tronc malingre. Une faible brise se lève. Il bouge ses lèvres comme s'il marmonnait. J e m'approche. Je n'entends rien.

Il s'agenouille sur le sol, arrache les ronces qui enserrent la base du tronc, dégage les racines qu'il humecte avec un peu d'eau de sa gourde en fer blanc.

Finalement, il se relève et dit : « Ça devrait aller ! »

Devant mon air interrogateur, il prononce : « Esprit dépressif. Le traitement est facile. Rien de grave. Parlez-lui tous les jours pour le renforcer. »

Ce fut ma première rencontre avec l'homme qui murmurait à l'oreille des arbres.
Greg.