mardi 12 avril 2016

Atelier d'écriture du 11/04/2016 - 18h15

Animé par : Sarah
Poèmes « évidés » de leur contenu hormis le premier et le dernier vers, et les mots qui commencent et terminent chaque ligne, qui sont de l’auteur.

Le jeu consiste à « remplir » le poème.

***

Vieux Jardins, de Jules Breton

Ça a commencé assez poétiquement, mais à la ligne 11 la veine poétique a pris un virage…





Qui n’aime ces jardins des humbles dont les haies

Sont autant de petits réservoirs pour les baies

Que nous offre, abondante, l’arrière-saison

nature soignée prolonge la maison

Qu’une génoise ceint, sous le toit, triple frise

Sous un ciel bleu et blanc, changeant, qu’averse irise

repos du rêveur, silence immémorial

Répandent leurs bienfaits comme un ancien cordial.

Jardinets très modestes, pré de quelques ares,

Mais abrités du temps et des destructions

Qu’on vous transmet, précieux, jeunes générations



Raptus (forte perturbation du champ de la conscience, pulsion puissante affectant brusquement le comportement et pouvant avoir des conséquences graves)



là, là… La la… Soudain, plus d’idées dans ma fouille !

Les rimes se défilent et mon cerveau gazouille

les mots lessivés, foutus, un peu tremblants

Viennent buter. Mon œil hélas bien trop presbyte

Voit à peine ce poème creux qui l’habite

D’un essai tout raté qui me donne sommeil,

Tout doucement sourire à leur dernier soleil ?

A une femme (potentiellement révoltée), de Victor Hugo



Enfant ! Si j’étais roi, je donnerais l’empire

Et mettrais les nantis de l’Europe à genoux

Et leur confisquerais jusqu’au dernier porphyre

Et si ça ne pouvait décidément suffire,

Pour faire la mesure, je vous donnerais, vous !



Si ce programme a chance d’être dit sur les ondes

Les dirigeants foutus, on décrète la loi

Et on liste illico des idées plus fécondes.



L’éternité, à nous ! NUIT DEBOUT ! Nouveaux mondes,

Pour un baiser de toi !



(Je sais, le dernier vers n’a rien à voir…)

Marie-Hélène.
***
Acronymes :

V.E.R.R.E
Vide Et Rempli Réversiblement pour Ébriété

T.A.B.L.E
Tente d'Abri pour Belles et Longues Efféminées

Poème évidé :

Qui n'aime ces jardins des humbles dont les haies
Sont hérissées d'épines et ponctuées de magnifiques baies
Que font éclore les chaleurs tièdes de l'arrière-saison ;
poussent de vivaces vignes derrière la maison,
Qu'une indicible force tord et frise
Sous les tonnelles, parfois, la rosée les irise ;
les années s'écoulent selon un rythme immémorial,
Répandent un parfum à la fois enivrant et cordial ;
coulent des ruisseaux qui de fraîcheur sont bien loin d'être avares ;
Jardinets descendant et longeant des terres cultivées s'étendant sur des ares ;
Mais l'homme est avide de destructions
Qu'on perpétue au fil des générations ;
l'on extrait, on creuse, on excave, on fouille,
Les insectes noircissent et plus aucun être à plume ne gazouille;
les chats sauvages, les renards, les lynx, tremblants
Viennent, accompagnant la loutre miséreuse et où la taupe presbyte
Voit à peine le chien de l'humain qui la maison habite.
D'un cycle à l'autre, ces êtres pourront-ils avant de sombrer dans leur hivernal sommeil,
Tout doucement sourire à leur dernier soleil ?
Greg.
***
Acronyme :

BIERE : Breuvage Intéressant, Elégant, Racé et Energétique

Poème évidé : à partir de Voici quinze ans déjà que nous pensons d'accord (Les heures d'après-midi) dmile Verhaeren.

Voici quinze ans déjà que nous pensons d'accord
Que nous passons des jours teintés de l'habitude,
Mégère sans plaisir que les colères rudes
Usent comme un mauvais vinaigre un peu trop fort.

Je te vois, là, le soir, quand le noir te découvre,
Tant abîmée en vain par si pauvre fierté :
Le jour t'aurait parée en gracile beauté,
Mais l'Éden de ton cœur même plus ne s'entrouvre.
Tu n'as plus qu'un enfer qui vient s'approfondir,
Et lorsque reviendra ta jeunesse nouvelle,
Les mâts de voiles nus, sur notre caravelle,
Notre nef de vie, armeront nos désirs.

C'est ainsi que l'esprit se nourrit de croyance,
A croire que partout se cache la bonté :
Nous cherchons sous la lune une faible clarté
D'une âpre colombine attifée de confiance.

Ta joie en deuil noircit, se meurt infiniment ;
De tes yeux de velours naissent des heures sombres,
Et plus jamais je crois ne sortiront de l'ombre,
Tous les rayons de l'aube en ton âme d'enfant.

Jean-François
***

vendredi 8 avril 2016

Atelier d'écriture du 22/02/2016 - 18h15

Spécial Amnesty International


1er inducteur :

Écrire une liste de « Choses qui… » à la manière de Sei Shonagon, poétesse et dame de cour japonaise (11e siècle), dont l’ouvrage « Notes de chevet » est une œuvre majeure de la littérature japonaise de cette époque.
Les listes de « Choses qui… » de dame Shonagon traitent de sujets légers et poétiques, relatifs à la nature, aux intrigues de cour, à son entourage précieux et raffiné.

Dans l’atelier d’aujourd’hui, nous transférons cette technique à l’expression de choses plus graves. Il s’agira de composer une liste de « Choses qui… » sur des thèmes en relation avec les campagnes d’Amnesty International.

Exemples de listes possibles :
  • Choses qui m’indignent violemment
  • Choses que je rêve de voir disparaître
  • Causes que je me sens prêt-e à défendre
  • Choses que j’observe dans ma ville et qui relèvent des droits humains
  • Causes qui me donnent envie d’écrire
  • Choses auxquelles doit penser le prisonnier
  • Choses qui… (choisissez vous-même un intitulé)

2ème inducteur : la lettre du prisonnier

Vous vous mettez dans la peau d’un prisonnier qui sait qu’on va le torturer pour lui extorquer des aveux.
Vous écrivez quelques lignes à la personne de votre choix pour exprimer vos sentiments.
Vous pensez à la peur, à l’attente de l’interrogatoire, à l’écoute des bruits alentour, aux sentiments envers les proches, le pays, la liberté, la volonté de résister, la lutte, l’espoir…

3ème inducteur : la contrainte du prisonnier

Écrivez un texte sans lettres avec "jambes", comme les p, les d, les q, les j etc. afin de gagner de la place sur la feuille (moins d'espace entre les lignes)

***
1 – Liste des choses qui me déchirent
un enfant qui a faim
un enfant humilié
un enfant qui pleure
un enfant battu
un enfant violé
un enfant qui a mal
un enfant sans mère
un enfant mort....

2 – Lettre d'un prisonnier

C'est un homme qui sait qu'il va être torturé et qui pense qu'il va mourir.
Il écrit à son petit garçon une lettre.
Je l'ai voulue toute en douceur, presque banale car il s'adresse à un enfant. Il parle de tout ce qu'il ne verra plus, ne sentira plus, les petites choses de la vie qu'on oublie quand on est dehors . une façon de lui dire: profite de la vie.
Il  dit : sois fort et le répète encore et encore, il se le dit à lui-même car il a peur justement de ne pas être assez fort face à la torture.

« Mon fils chéri,

Il fait beau dehors. Je pense à toi mon petit, mon tout petit.
Que fais-tu en ce moment ? Regardes-tu le ciel bleu et les nuages voyageurs ? Entends-tu les oiseaux qui piaillent librement ? Sens-tu le doux parfum des fleurs ?
Une nouvelle journée commence pour toi. Tu vas jouer avec tes copains, faire des emplettes avec maman… Aide-la bien ! Elle a besoin de toi, elle aura besoin d'un homme.
J'espère que ton amoureuse t'aime toujours, on a tellement besoin d'amour ! Tu rencontreras des méchants : sois fort, ne t'écrase pas devant eux ni devant ceux qui te veulent du mal. Aie confiance en toi.
Oui, sois fort, mon fils !
Embrasse bien maman.

Oh, on vient me chercher,
Je t'embrasse. Sois fort !!! »
Bernadette.
***
Sur Deux Notes
ou
Rêve de Clavecin
Quelle idée bizarre, perverse, vénéneuse, ont-ils eu, ceux qui m'ont exilé dans le grenier de cette maison, dans ce réduit sombre, humide et froid ? Le jour ne me parvient que par une lucarne aux carreaux sales et fendus. Parfois, une hirondelle se pose sur les carreaux, il me semble apercevoir le dessous de ses pattes, c'est comme un petit coucou que m'adresserait le printemps.
Dans un angle du grenier, un lit cage. Dans l'autre angle, un coin toilette, comme si les lieux devaient accueillir un visiteur que je n'ai jusqu'à présent jamais vu.
À présent... depuis combien de temps dure-t-il, mon éternel présent ? Quand rien ne se passe, une seconde ou l'éternité, c'est du pareil au même.
Je commence à perdre un peu la mémoire, mais je crois me souvenir que je n'ai pas toujours vécu ici , mais plutôt au rez-de chaussée de la maison, dans une pièce immense aux murs lambrissés, au sol couvert de riches tapis. Un lustre gigantesque, aux pendeloques de cristal, éclairait parfois les visages des couples de danseurs tendrement enlacés.
En rêve, je me souviens d'un temps révolu, de fêtes englouties, de bals oubliés.
L'écoulement du temps, je le mesure grâce au calendrier qu'un homme, toujours le même, vient accrocher parfois sur le mur plâtreux, face à moi. Je suppose que cette brève visite indique l'arrivée de l'an neuf. J'en ai compté tant et tant, de ces calendriers, depuis le début de ma relégation, de mon exil... On dirait que des sadiques, mais qui sont-ils ? veulent me faire sentir au plus profond de mon être l'écoulement des secondes, des heures, des années, ces bourrelles, ces bourreaux femelles.
Ce matin, ou cette nuit, comment savoir, deux gardiens sont venus, poussant doucement un homme dans la pièce, et puis ils ont refermé délicatement sur lui la lourde porte de fer. Comment sont-ils faits, ces gardiens ?... Je n'ai entrevu que leurs mains.
J'ai compris : c'est pour cet homme qu'on avait installé, de toute éternité, (quelle pensée absurde !), le lit-cage et le coin toilette. Cet homme allait longtemps vivre avec moi, changer mon destin, ou plutôt m'en donner un.
Le type, vieux, long, maigre, visage ridé, porte sur ses épaules voûtées une veste de smoking usagé. A sa boutonnière un œillet fané. L'ancêtre fatigué s'est assis sur le lit, a regardé la pièce, inquiet, et puis il m'a regardé moi. Il a souri. Alors il s'est levé pour poser ses longues mains décharnées sur mon corps.
J'ai cru renaître. Le vieux a joué, et en virtuose, sur mon clavier " l'Hymne à la Joie ", l'une de mes compositions favorites.
Alors les deux gardiens ont surgi. Ils ressemblent à Laurel et Hardy, mais sont-ils vraiment des rigolos ?
- Cher monsieur, la musique est interdite par le règlement ! a susurré Hardy.
- Premier et dernier avertissement ! a doucement précisé Laurel.
Et ils sont partis en fermant délicatement la porte, c'était vraiment effrayant, tant de douceur.
Le musicien qui m'avait ressuscité s'est allongé sur le lit-cage et puis il a dormi longtemps me semble-il. Et puis il s'est levé pour à nouveau caresser mon clavier. Il a joué le " La Marseillaise ". Je n'aime pas trop cet air là, ce n'est pas une musique de ma génération, mais il en faut pour tous les goûts, et toutes les musiques sont belles, d'où qu'elles viennent, puisqu'elles appartiennent à l'âme humaine, enfin, c'est le poète toulousain qui l'affirme.
Alors, les gardiens ont re-surgi, poussant la porte toujours en douceur. Le sosie de Hardy tenait en main une tenaille minuscule, celui de Laurel un immense sécateur. J'ai cru qu'ils allaient arracher, sectionner les doigts du musicien, mais non, ils ont délicatement amputé mon clavier de la première de mes touches noires, tout à gauche, le plus grave des fa-dièze. (Je précise pour les mélomanes en herbe.)
Mais ça n'a pas empêché le musicien de continuer à jouer, les jours d'après, ou les nuits suivantes.
.... Bach, du jazz et ce bon vieux Fats Waller, des cantiques, des valses musettes et de Vienne, le Chant des Partisans, celui des Marais, mais aussi du Boogie, l'Internationale, des tangos, encore la Marseillaise, des chansons d'amours voire franchement paillardes.
Chaque fois les gardiens surgissent et ces salauds de sosies m'amputent de l'une de mes touches. Ils ont arraché hier mon ultime touche noire.
Et le vieux type s'obstine à jouer pourtant. Au début je l'ai haïe, ce responsable de ma mutilation, mais à présent il est devenu mon allié, et même mon ami. Mon frère d'arme, ou d'âme, en quelque sorte. J'ai compris qu'il était ma raison d'être, et que j'étais la sienne. Nous sommes un couple indissoluble. Nos destins sont liés.
Nous avons donné, aujourd'hui, sur trois notes, un ultime concert pour l'hirondelle posée sur la lucarne. Demain, Laurel et Hardy, tenailles et sécateur en mains, m'amputeront délicatement et en souriant gentiment d'une autre touche. Le musicien et moi ne pourront plus émettre qu'un dérisoire ding-dong, un ridicule bling-blong, (car je suis désaccordé), un genre de pin-pon, comme celui des pompiers et des ambulances, juste avant le grand silence.
... C'est fini. Laurel et Hardy m'ont amputé de ma dernière touche. Me voici sans dents, comme une pauvre bouche.
Le musicien est resté prostré longtemps, longtemps, assis sur le lit, la tête entre les mains.
Et puis il a souri. Il s'est levé pour se saisir d'un clou rouillé et dessiner, sur le jaunâtre mur de plâtre, un clavier sur lequel il a posé les mains. Il joue des mélodies muettes mais que j'entends parfaitement.
L'autre nuit, ou l'autre jour, comment savoir, car ce qui doit être une neige épaisse obstrue la lucarne, j'ai fait l'un de ces rêves de clavecin qui valent bien vos rêves d' humains.
J'ai rêvé d'un jardin tout gazouillant d'oiseaux, tout parfumé par les fleurs.
Un cinéma en plein air y faisait revivre Laurel et Hardy, les vrais, et des enfants de toutes les couleurs riaient, riaient.
J'ai rêvé que j'avais de nouvelles touches, un corps tout neuf, et que le musicien rajeuni, à la chevelure de jais, dans un smoking neuf et impeccable au revers orné d'un oeillet frais cueilli, donnait un concert dans une grande ville chargée d'histoire, entourée par sept collines, comme Rome, et traversée en son milieu par une grande rue, fleuve minéral. Une ville qui existera ou existe déjà. Une ville de l'autre bout du monde ou une ville d'à côté, comment savoir là aussi, le monde est après tout si petit.
Je ne désespère pas. J'attends le printemps avec le musicien mon ami.
Aujourd'hui, deux hirondelles sont venues se poser sur la lucarne.
Les faux Laurel et Hardy ont essayé de les chasser en frappant sur la lucarne avec deux grands balais mais demain ce sont trois hirondelles qui viendront. Peut-être sept, une pour chaque note de la gamme.
Il me semble entendre, montant de la rue proche, la rumeur d'une révolte, et puis un air de bal, un air d'accordéon.
Et les rêves des clavecins, c'est là proverbe de luthier, toujours se sont réalisés.
Henri.
***
1 – Liste des choses qui m'indignent violemment
Lorsque la femme en son printemps
Prend la couleur rouge de sang
Du soleil au loin se couchant...
Sous les coups d'un mari violent !
***
Lorsque l'enfant dans la misère
Suspend sa vie à la patère
D'une existence mortifère...
Au regard de la terre entière !
***
2 - La lettre du prisonnier
Je m'éveille au matin qui s'élève. J'aurais préféré m'endormir au soir couchant et que ce fut le dernier, c'eut été sans doute plus facile... Douze jours déjà que ça dure ; on m'emmène coucher le soir lorsqu'on ne sait plus me réveiller. Le soir ou un quelconque autre moment de la journée, le souterrain dans lequel je me trouve ne laisse pas passer le moindre rai de lumière.
Le silence est pesant : mortel, dirais-je. Entre-coupé chaque seconde environ par le claquement d'une goutte d'eau qui tombe, quelque part, tout près ou bien plus loin. La différence est si faible, tant le silence est omniprésent et ne supporte pas la moindre des perturbations. Ça me rappelle qu'en haut, la vie est encore vie, j'imagine que le jour est encore jour, que les oiseaux sont encore des oiseaux.
Je n'ai rien dit en douze jours, je ne dirai rien le treizième... y aura-t-il un quatorzième ? Parfois le bruit des talons, assourdis par l'épaisseur de terre au-dessus de moi, vient s'entrelacer entre les gouttes, comme un vieux morceau de jazz syncopé. Les courants d'air m'apportent des odeurs de nulle-part ou d'ailleurs, de renfermé, d'humidité... de souvenirs aussi qui se réveillent : la cave sous la maison, le grenier au-dessus du garage, …
Pareil, différent... Tout se mélange. J'ai encore la liberté de respirer, c'est toujours ça de pris, comme un pied de nez à mes bourreaux.
Bruits de bottes... Une porte qui claque...
Je pense à vous très fort ! 
Jean-François
***

1- Liste de choses que je me sens prête à défendre

Le droit de chacun-e à être libre de ses mouvements,
à s’exprimer sans risque d’être emprisonné-e pour ses opinions
(étant entendu que celles-ci ne nuisent pas à autrui)

Le combat contre le viol comme arme de guerre

La situation des enfants qui n’ont pas choisi d’être
Migrant-e-s, Roms, « sans-papiers »

Une répartition des biens qui n’affame pas un continent
pendant que l’autre sature ses poubelles de nourriture excédentaire.

2 – Lettre d'un prisonnier

« A mes camarades qui sont ici

Pour celles et ceux qui, comme moi, ont été pris-es, je vais tenter de faire circuler ce mot.
X…, un de mes geôliers, m’a fait comprendre qu’il n’approuve pas le travail qu’on lui fait faire. Je crois qu’il pourrait accepter de faire passer cette lettre. Il saura à qui.
Ce que je veux vous dire, c’est de garder espoir, de tenir bon.
Certes, nous risquons à tout moment d’être « interrogé-e-s », et nous savons dans quelles conditions ça se passe.
Mais je sais que les nôtres sont sur le point de tenter un coup de force. Il est certain qu’ils auront la prison comme premier objectif et qu’ils s’y préparent déjà.
D’ici là je ne serai peut-être plus là. Je m’y attends, je redoute ce moment. Je suis effrayé et impuissant à en changer le cours.
Ce qui ne mourra pas, pourtant, c’est notre combat. Pour chacun-e d’entre vous qui sortira d’ici, ma pensée vous accompagne et je suis sûr qu’en allant témoigner de ce qui s’est passé entre ces murs, vous recruterez sans mal : pour un-e camarade disparu-e, ce sont dix nouveaux combattants qui se lèveront !
Vienne le jour de la victoire ! Vienne le jour où notre combat sera de rétablir la paix et la sécurité partout dans le pays. D’y installer un Etat qui ne sera plus policier, totalitaire, assassin, mais un Etat de droit et de justice.
Un Etat, certes, orphelin de ses disparu-e-s mais qui remettra en marche un appareil de justice et de réconciliation tel que, d’ici dix ans peut-être, on aura, dans le pays, pleuré et enterré nos morts, mais aussi reconstruit une vie digne pour nos enfants, pour vous… pour moi peut-être, si la chance venait à me sourire…
Dans tous les cas : Salut et Fraternité ! » 
Marie-Hélène.
***
1 - Liste des listes
Les choses qui m’indignent violemment sont toutes les sortes de discriminations envers les homos, envers les élèves en difficultés…
Je rêve de voir disparaître le racisme, l’homophobie…
Je me sens prête à défendre tous les « vilains petits canards »
Dans ma ville il y a beaucoup de Roumains qui sont obligés de mendier et de faire les poubelles pour vivre… Vivre, pas s’acheter une bague, un collier, mais VIVRE… ou survivre.

Écriture qui remue de l’intérieur.

2 - Lettre du prisonnier

Mon cher Frangin,

Comment te portes-tu ? J’appréhende mon interrogatoire de demain. Toi, tu le sais, je n’ai rien à me reprocher mais eux… Ils vont me harceler avec leurs questions, auxquelles je ne sais que dire.
Ma volonté de résister pour te revoir – tu sais, sans toi, je ne serais plus en vie depuis longtemps – est de plus en plus forte.
L’espoir de te revoir, de revoir ta maison, de voir ma belle-sœur, et puis il y a la « mimine ».
Tu me donnes la volonté de résister, de lutter.
Je t’embrasse bien fort
En espérant te revoir au plus vite,
Ta frangine.
 Nelly.
***
 1. Les choses que je rêve de voir disparaître :

Les barreaux
Les armes qui blessent
Les punitions
Les silences trop lourds
Les pièges
Quatre murs sans porte
Les sérums de vérité
Les mensonges pour le mal
Les questions qui n’en ont que le nom
Le sang qui coule sans renaissance
Les chars quand ils sont d’assaut
Les fleurs artificielles sur les tombes
Le Quoi et comment quand il n’est plus que le où et quand
Les campagnes qui sont de Russie ou d’ailleurs
Le mot bâillonné, garroté
Le boulet de forçat
L’électricité qui n’est plus lumière
L’entonnoir qui remplit de malheur
L’odeur de la mort avant l’heure

Tout ce qui m’empêche d’aller vers toi

2. Lettre d’un prisonnier qui va être torturé
Chère maman,
Tu m’as toujours dit de mettre mon cache-nez , de rouler prudemment en vélo, de cirer le cuir de mes chaussures, tu m’as aussi dit que la vérité est toujours bonne à dire ou à taire, que vivre est une décision, que l’acte libre détermine l’être entier, qu’il est bon d’écouter les enfants et le vent, qu’aujourd’hui n’a qu’un temps pour chacun et que l’éternité est pour l’homme à venir.
Maman riche de ton cœur libre que tu nous as partagé, je suis dans cette prison construite par ceux qui veulent et choisissent pour tous, ceux qui ont oublié ce qu’est le petit matin quand l’oiseau te réveille et t’appelle au dehors, ceux qui vont m’obliger à dire le contenu de mon âme pour semer des malheurs, ceux qui sèchent le pain que tu rompais pour nous.
Chère maman, comme je suis fière du courage joyeux et comme j’ai peur.
Peur de mourir, de ne plus vous voir, peur de ne plus goûter, sentir, penser, dormir, rêver et chanter.
Chère maman, mets ton joli tablier et fais-moi des beignets aux pommes, pour ce jour nouveau.
Ta fille,
Nicole.
***
1 – Liste des causes qui me donnent envie d'écrire.

- Plaire aux gens que j'aime
- Éviter le blasphème
- Exprimer mes sentiments
- Éviter les embêtements
- Partager ma passion
- Dire ce que j'ai au plus profond
- L'Amour des lettres
- Éviter de faire le pitre
- Oublier les soucis du vieillard
- Tuer l'ennui

Amour des lettres, laissez la porte ouverte!

2 - Lettre d'un prisonnier

Que dois-je faire ? Que dois-je dire ? Subir les aveux ou aller contre eux ? Je ne sais plus quoi faire, j'aimerais arrêter de penser, voire d'exister. Mes seules pensées sont celles qui me mèneront pas loin… celle de ce moment… du jugement… J'aimerais partir de cette prison, aller te retrouver, retrouver cet être aimé. Mais je ne peux pas, je dois rester là. J'entends des claquements de porte qui me rappelle quand tu rentrais du travail et que tu venais me retrouver. Mais ça c'était avant que je sois arrêté. Faut que j'enlève cette pensée, car elle va me ruiner … J'aimerais tellement te retrouver… J'ai cette peur qui assaille mon cœur et ne sait plus donner l'heure…! Je vais y arriver, je me le répète sans cesse pour oublier cette paresse. J'aimerais tellement retrouver mon pays, aller au-delà de ces barreaux. La liberté, lieu où on ne peut être aliénés mais j'aimerais y rester, y aller et jamais me retourner.
 Sophie.
***
Dernière lettre
(en utilisant la « contrainte du prisonnier »)
Mauvais soir ce soir, ce soir noir, ce soir vaincu où vais mourir. Ce soir, écrire : vivre encore un moment. Écrire : nécessaire. Écrire car vous avez à savoir. Serré en ces murs de craie, écrire. Avec cette eau de ma vie, eau carmin de mes veines, sur un mur, écrire.
Se souvenir : ruisseau sur une mousse rousse, oiseaux sur un océan miroir, soirs ocres et mauves... Ma main, nos mains réunies ; ivresse. Vos sourires, nos rires : nous vivions.
Mais voici que vais mourir. Mourir... Ne suis rien. Ou... un murmure ? Non, même un murmure ne suis. Une aurore arrive, mais n'en verrai rien. Rien ne suis, rien ne sommes.
Rien ? Ni vous, ni moi ? Évanouis ? Aucun, aucune âme ? Rien ne sommes ? Os secs, os en amas ? Non. Non ; vie vaine ne veux avoir. Sommes vie, si nous aimons. Si vous m'aimez, suis. Si nous aimons, nous sommes. Sauvés. Nous sommes sauvés. Nous aurons vaincu.
Nous serons oiseaux en un air moins noir. Nous serons nuées évanouies sur une mer nacrée. Nous irons vers cieux azur. Vie nous serons. Vie nous sommes. Moi comme vous ; nous sommes car nous aimons. Aimer, vivre. Aimer encore, vivre encore. Ainsi nous sommes. Encore, encore, encore.
Vous, et moi, verrons aurores, soirs aussi. Vous vivrez, aimerez, rirez encore. En vous, avec vous vivrai. En vous serai, aimerai, rirai.
Une aurore arrive, vous verrez. Nous serons soir, nous serons aurore. Nous serons.

Pris !

Leur mépris. Trop bête ! Pris ! Ça devait arriver. Seul, maintenant. Où ? Noir. Froid. Peur. Faim, soif. Tenir. Combien de temps ? Tenir encore... toujours ? Plus rien à quoi s'accrocher. Eux, pourtant, eux, dehors, eux vivants. Vivants... peut-être ? Quelle vengeance sur eux ? Quel mépris ? Faim. Souffrir. Soif mais tenir.
Ils arrivent ! Combien ? Pourquoi ? Les coups... Terreur. Souffrir, tant et tant... S'évanouir. Jeté par terre. Le noir, encore. Le froid. Mais tenir. Dormir. Ne plus en entendre. Les cris. Mes cris. Leur mépris. Leurs sourires malfaisants. Mourir ? Dans combien de temps ? Seul...
Mais eux, pourtant ? Les autres ? Dehors, peut-être encore dehors, peut-être encore vivants. Oui ; vivants. Il faut. Sinon... alors s’accrocher. À cette idée. Vivants. Vivre. Tenir. Mais eux pourtant, dehors, quelle terreur ? Quels mensonges...
Soif, faim, froid, noir. Souffrance. Trop. Plus. Plus rien.
Qui suis-je encore ? Suis-je encore ? Mais eux pourtant... Eux, dehors. Ils comptaient sur moi. Qui compte encore sur moi ? Pourquoi ? Que puis-je ? Qui suis-je ? Que suis-je ? Loque qui saigne, qui vomit, qui pue. Qui vit encore, pourtant.
Tenir : à quoi bon ? Finir plutôt ; mourir. Mais comment ?
Laisser… Ils viennent. Encore ! Pour qui ? Pas pour moi, non pas pour moi, pourvu que... Si, pour moi. Alors baisser la tête. Tenir en baissant la tête. Leur mépris. Leurs coups. Leurs sourires malfaisants. Leur mépris. N’être plus rien. Une loque encore palpitante. Tenir encore... espérer, ou mourir ?
Sarah.
***
1 – Choses auxquelles doit penser le prisonnier
Quel temps fait-il dehors ?
Comment va ma famille ?
Ont-ils aussi été arrêtés ?
Quand pourrai-je sortir ?
Depuis combien de temps suis-je ici ?
Quelqu'un se préoccupe-t-il de mon sort ?
Est-ce la nuit ou le jour ?
Quand va-t-on venir me prendre pour me torturer ?
Aurai-je un avocat ?
Vais-je avoir un procès équitable ?
Va-t-on me laisser parler ?
La cause que je défends en vaut-elle la peine ?
Combien d'autres personnes sont dans mon cas ?
Vais-je pouvoir sortir un jour ?
Pourrai-je voir une dernière fois mes enfants ?
Vais-je m'en sortir ou mourir ici ?
Y a-t-il un moyen de s'évader ?
Existe-t-il un pays où je pourrais m'exprimer en toute liberté ?
Vais-je pouvoir résister longtemps ?
 
2 - La lettre du prisonnier

Du fond de mon cachot, je t'écris, ma douce.
Je ne sais si cette lettre te parviendra.
J'ai vu l'avocat. Il m'a fait passer ta lettre. J'aurai voulu la conserver sur moi, mais comme le papier est rationné ici, j'écris au dos de celle-ci. Le pain que tu as fait passer a bien profité à mes gardiens, même s'ils m'ont accordé d'un manger un morceau que j'ai longuement savouré.
Excuse mon écriture illisible. Je n'ai plus mes lunettes et la seule lueur ici est celle d'un néon qui me donne la migraine et m'empêche de dormir. Ce qui est le plus ennuyeux ici, c'est que le pot de chambre n'est vidé que tous les deux ou trois jours. Les mouches me tiennent compagnie, comme les cafards. Je ne sais pas comment ils arrivent à entrer à travers ces murs sans failles. Si je le savais, je pourrais certainement me faufiler dehors par le même chemin. J'ai perdu tellement de poids que je perds en permanence mon pantalon. Un des geôliers a été assez compatissant pour me donner une ficelle afin de le faire tenir. La nuit, j'entends les prisonniers des cellules voisines gémir ou hurler. Mais je n'ose me plaindre de ce tapage nocturne. De toute façon, comme je te l'ai dit, je ne dors pas beaucoup. Et tu me connais : j'ai toujours été insomniaque.
Je dois te quitter. Le néon faiblit et je n'ai plus de place pour écrire.
Comment vont les enfants ? Embrasse-les ainsi que ma mère et tes parents pour moi.
Dis-leur que je vais bien et que je sortirai bientôt.
Au revoir, ma douce et porte-toi bien.
Greg.
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