mardi 17 mai 2016

Atelier d'écriture du 09/05/2016 - 18h15

Animé par : Jérôme
Haïkus
***
Plume d'oie envolée, 
Oreiller bien secoué, 
Nuitée reposante. 

Petit déjeuner, 
Café, thé, biscottes beurrées, 
J'aime ce début de journée. 

Stylo égaré, 
Pas d'écriture aujourd'hui. 
Je m'en vais danser. 

Train sifflant au loin, 
Des voyages inoubliables, 
Retour enchanté. 

Pain au chocolat, 
Tout fondu sur mes 10 doigts, 
Mes mains dans la bouche. 

Tableaux au musée, 
Représentations obscures, 
Regard médusé. 

Poème déguisé, 
La saison du bal masqué, 
Les cœurs chavirés. 

Étagères bien vides, 
Vite, des courses chez le libraire, 
Mes livres déposés. 

Manque d'inspiration, 
Je réfléchis et je compte, 
Pour faire un haïku. 

Bébé a pleuré, 
Couches changées, biberon bu, 
Silence retrouvé. 

HIVER 
La neige au soleil, 
Mon bonhomme de neige fondu, 
Photo prise à temps. 

PRINTEMPS 
Jolies fleurs des champs, 
Bouquets dans la maisonnée, 
Senteurs parfumées. 

ÉTÉ 
Soleil au zénith, 
La crème solaire oubliée, 
Rougeurs avérées. 

AUTOMNE 
Feuilles d'automne au sol, 
Trébuchent les marcheurs distraits, 
Chevilles emplâtrées.

Virginie.
***


Printemps

Fleurs, bourgeons, feuillage,
Branches chargées dans le soir
Vent du Sud réchauffe

Gouttes de dégel
Chemins boueux ruisselants
Les oiseaux reviennent

Été

Soleil au zénith
Lunettes noires sur nez posées
Je transpire gaiement

Goudron sec et mou
Ventilo à fond
Le serpent s'active

Automne
 
 La bise enragée
Ôtait des branches les feuilles
Dénudant les arbres

Les ours s'engraissent
Et se lovent dans les grottes
Pour être bien au chaud

Hiver

Manteau blanc crémeux
Crisse sous les pas légers
De la femme perdue
 ----
 Tambour affolé
Mon cœur jaillissant s'emballe
Trop de caféine ?

Bête apeurée
Dans les bois, danger
Le prédateur rôde

Lumière assassine
Blesse mes rétines
Ô été fantastique

Rails luisants
Traversent prairie sans fin
Une fumée dans le lointain

Clics intermittents
Clapotis du clavier
Ordinateur planté

Cuillère abandonnée
Miettes dans la soucoupe
Mélancolie du dessert terminé

Soif de sang
Dans la nuit il grandit
Le vampire approche

Bateau étranger
Escale à Valparaiso
Je suis un aventurier

Odeur de bière froide,
Mégots sur le sol,
Promis, demain j'arrête

Système économique défaillant
Nature en berne
Apocalypse à l'horizon
 
Frottements du crayon
Le dessinateur est à l’œuvre
L'inspiration l'entraîne
Greg.
***
Mièvreries vert tendre 
P'tits bourgeons, gentils zoizeaux
Printemps, trémolos

 Un oiseau qui chante
Les jours s'allongent en parfums
Printemps si joli 

Chaleur étouffante
Pas d'air, corps suants étalés
Galères de l'été

Repos mérité
Moments partagés, balades
La douceur des soirs 
 

Vent tourbillonnant
Feuilles arrachées, rentrée
Automne déprimant

 Rentrée, retrouvailles
Cris des enfants dans la cour
Marrons écrasés 

Orteils congelés
Neige grise dans les rues
Hiver détesté

 La bise essoufflée
Bonnet, gants, écharpe nouée
Noël, cheminée 

Et comme ce soir-là les doigts des participants tambourinaient sur les tables à la recherche du nombre de syllabes adéquat...

Un, deux, trois, quatre, cinq
Mes doigts m'aident à trouver
Le poète en moi

Ce soir, c'est haïkus
Ils sont fous ces japonais
Dirait Obélix !
Laurence.
***







Atelier d'écriture du 25/04/2016 - 18h15

Animé par : Greg

Inducteur : 3 incipits au choix

« Le train s'éloigna dans l'horizon brumeux, emportant avec lui mille souvenirs enfouis »

« C'était officiel, on l'avait annoncé à la radio »

« Je ne m'attendais pas à ça »

***

Le train s'éloigna dans l'horizon brumeux, emportant avec lui mille souvenirs enfouis.

La fumée dégagée par la locomotive masquait déjà sa fine silhouette qui me faisait signe, le bras tendu. Je ne vis bientôt plus que le petit mouchoir blanc agité au-dessus de la foule amassée sur le quai. La massive structure métallique de la gare fit bientôt place à de pauvres immeubles noyés dans la grisaille de la ville. Un sergent à l'épaisse moustache, près de moi, s'était assis sur son paquetage et bourrait sa pipe d'un air morne. Deux de mes camarades du 108e se penchaient par la fenêtre, tentant vainement d'apercevoir, dans le lointain, les lieux de plaisir et de détente où ils avaient passé leur permission. Mais leurs yeux vides ne voyaient rien d'autre que la perspective de notre vie là-bas, qui allait reprendre, une vie boueuse, glaciale, ponctuée par des assauts meurtriers et la mort de nos camarades. Quant à moi, je m'étais enfoncé dans mes pensées, essayant désespérément de retenir les petites choses de mon quotidien de ces derniers jours, dont l'image s'évanouissait déjà. Je tentai d'évoquer son sourire, sa voix chaleureuse, sa crinière de lionne. Mes narines se remémoraient son odeur douce de fleur d'oranger, mon torse ressentait encore le contact de ses mains chaudes. Je m'assis sur la banquette. Le sommeil me prit par surprise, dans la chaleur dégagée par tous ces corps, chaleur qui allait bientôt se dissiper dans la glaise froide de Verdun et, pour certains, disparaître tout à fait, engloutie sous la terre et le sang.

Le train amorça un virage et je me réveillai. Soudain, ce fut la campagne verdoyante, qui ressemblait à ce que la plupart d'entre nous avaient vécu avant d'être envoyés vers cet enfer. Les champs, les prés, les forêts se succédaient, comme pour exposer à notre regard encore un peu plus ce qui nous semblait irrémédiablement perdu : les labours, les semailles et les moissons. Tout cela se répétait depuis des temps immémoriaux et il nous semblait impossible que cela fût perdu à jamais pour nous.

Il est contre nature que la terre soit creusée pour autre chose que la perpétuation du cycle de la vie et labourée pour autre chose que le bonheur des hommes.

Un caporal d'un autre régiment surgit dans notre wagon, une bouteille de cognac à la main. Il en offrit à tous, sans distinction, et la bonne humeur éclaira progressivement tous les visages à mesure que nos quarts se vidaient.

Il ne nous restait plus que cela, l'alcool et la fraternité, pour nous tenir à l'écart de ce monde effrayant, pour rester debout malgré tout, avec l'orgueil de ceux qui vont vers une fin absurde et qui tentent d'arracher quelques brefs instants de rires aux éclats et de claques dans le dos. Tout cela pour dire : nous allons peut-être y passer mais au moins nous aurons vécu ces instants mémorables et enfantins.
Greg.
***


Le train s'éloigna dans l'horizon brumeux emportant avec lui mille souvenirs enfouis. Nous étions arrivés à destination de notre périple après plusieurs heures, plusieurs journées de voyage. Nous avions mangé, bu et dormi, chanté, dansé et discuté dans ces wagons. Mon père et moi étions partis tôt le matin du samedi précédent, sous un beau soleil, pour accomplir les dernières volontés de ma mère qui souhaitait que ses cendres soient répandues à Vladivostock. Ces origines russes, elle en a toujours été fière. Elle me racontait souvent ses souvenirs et anecdotes de son enfance, ses rudes hivers passés au coin du feu où les uns et les autres limitaient au maximum ses déplacements. J'appris très tôt le russe à ses côtés. Mon père, quant à lui, devint un fin connaisseur de vodka. Je suis née là-bas. Puis mes parents ont rejoins la France lorsque j'avais à peine 5 ans pour des raisons économiques et politiques. 
Nous étions là, mon père et moi, sur le quai de la gare, nos bagages à nos pieds et le cœur gros sur la main. Ma mère avait été emportée en quelques jours par une embolie pulmonaire fulgurante à l'âge de 60 ans. A cet âge, habituellement, les couples commencent à échafauder des plans retraites, voyages, distractions, loisirs. Mon père, lui, s'était occupé des funérailles de son épouse et depuis sa villa au bord de l'océan lui semblait bien vide. Il était dévasté, perdu Ma mère était son premier et seul vrai grand et vibrant amour de sa vie. C'est comme s'il avait toujours vécu avec elle. Moi, le regard dans le vide, je me sentais tout aussi perdue. Main dans la main, nous avancions péniblement vers la sortie de la gare, nous remémorant tous les visages croisés lors de long voyage, toutes histoires racontés, ses tranches de vie étalées au cours du voyage. Tous ces gens qui étaient montés, puis descendus de ce train, étaient-ils en vacances ? En voyage d'affaires ? En visite ? Ces vas et viens ont rythmé notre périple et ont rempli mon esprit d'histoires tellement différentes les unes des autres que j'ai l'impression d'avoir vécue 100 vies en 8 jours de voyage. Parfois, je me dis que j'ai été épargnée par la vie jusqu'à présent. Ah, vraiment je ne m'attendais pas à ça, non. La mort de ma mère fut si brutale, moi qui souhaitais attendre encore un peu avant de lui annoncer une bonne nouvelle, maintenant elle n'est plus de ce monde. Elle est là, dans la valise, dans le coffret du crématorium. 10 ans que je n'étais pas retournée en Russie, depuis mon stage de fin d'année d'étude en fait. Les choses ici ont bien changées, mais les vies des simples gens semblent toujours aussi rudes. Un si grand pays, des ressources énormes mais un partage des richesses totalement injustes. Ce pays qui avance avec le masque d'une démocratie prive toutefois ses habitants de nombreuses libertés. Mon vague à l'âme m'envahit. J'ouvre la radio et j'entends la fin du programme qui indique que "maintenant c'est officiel" mais je ne sais pas de quoi il s'agit. Je l'apprendrais sans doute plus tard. Après quelques réclamations, le programme radiophonique se poursuit avec des chants traditionnels russes. Certains me rappellent ceux que ma mère me chantait enfant et me font monter les larmes aux yeux. Je me laissais bercer par ces douces mélodies tandis que le vent frôlait mon visage en peurs. Que l'épreuve était rude. Heureusement, je n'étais pas seule. Mon père était là, il me tenait la main et puis il y avait toi, le petit être en formation au creux de ventre, qui ne mesurait que quelques millimètres. Tu auras fait ton premier voyage en Russie à l'âge de 2 mois in utéro. C'était ça, maman, ce que je voulais t'annoncer : "tu vas être grand-mère" ! 
Virginie.