vendredi 30 octobre 2015

Atelier d'écriture du 26/10/2015

Animé par : Patricia
À partir des premières phrases d'une chanson, tirée au sort, écrire une suite.
***
RENAUD
J'étais tranquille, j'étais peinard accoudé au flipper. Le type est entré dans le bar, a commandé un jambon beurre…

Le type est entré dans le bar, a commandé un jambon-beurre, mais, plus de jambon en réserve lui a-t-on signalé.

– Bah ! dit-il conciliant, une tartine de beurre suffira…
– Ouais ? ok !

Et le voilà qui attaque sa tartine à pleines dents et la savoure avec gourmandise.
Ca, constate-t-il, c'est la sobriété heureuse, savoir apprécier le moins quand on rêvait du plus…
Mais au moment de payer, il espéra une petite réduction, y' avait pas d'jambon tout d'même !

Le barman n'avait pas de tarif pour une tartine sans jambon. Que faire ?

Le dilemme était terrible :

– j'peux pas vous faire un prix, y'en n'a pas !…

– j'peux pas vous rendre la tartine, j'l'ai mangée…

Et moi qui étais peinard reluquant le flipper, tranquille, me voilà témoin du conflit… on va quand même pas me d'mander mon avis… parce que j'en'ai pas et j'm'en fous… j'avais même pas faim, alors vot'tartine, j'm'en bats l'oeil !!…

– qu'en pensez-vous, jeune homme ?

Ça y est, voilà qu'on m'interpelle !

– y'a qu'à lui donner, moi j'ai pas d'autre avis…

– mais j'peux pas, mon patron verra bien qu'une tartine est manquante, il m'accusera d'l'avoir mangée et j' risque de perdre mon boulot !…
j' peux pas lui en faire cadeau : ça coûte le prix du jambon-beurre, voilà tout !

Ah non alors ! Va pour la sobriété, mais si elle coûte le même prix que l'abondance, où va-t-on ?

– un tarif ça doit pouvoir se modifier…

– ouaii, mais pas par moi, faut respecter la hiérarchie, je ne dispose pas de prérogatives en la matière…Jeune homme qu'en pensez-vous ?

– Encore ! J'veux jouer au flipper peinard et les problèmes métaphysiques j'vous ai déjà dit que je m'en bats l’œil !

– y'a pu qu'une chose à faire : j'vais aller dans vos lavabos vous la rendre vot'tartine et je ne verserai pas un sou…

Qui fut dit, fut fait…
le jeune homme reprit la contemplation du flipper,
le barman, fortement dépité, s'interrogea sur son avenir professionnel au sein du bar,
et le client repartit en méditant sur la sobriété heureuse…

Laisse béton !!!
Michelle.
***
MAXIME LE FORESTIER
C'est une maison bleue, adossée à la colline, on y vient à pied, on ne frappe pas, ceux qui vivent là, ont jeté la clé…

On y croise des tas de gens,
des bons ou bien des mauvais,
tous y passent du bon temps,
amoureux comme mal aimés,

On y voit parfois un sage,
que d'autres disent brigand,
qui y compte les mirages
des hommes face au temps.

On entend parfois chanter
dans la petite pièce du fond
une voix désabusée
par le cœur et sa raison.

On y entre frêle ou fort,
le souffle court ou reposé,
on s'y assoit, y mange, y dort,
mais on ne l'oubliera jamais.
Silver.
***
Mes chers parents je pars
Je vous aime, mais je pars
Vous n'aurez plus d'enfants
Ce soir
Je ne m'enfuis pas je vole
Comprenez bien je vole
Sans fumée, sans alcool
Je vole, je vole
Vous n'aurez plus d'enfants et…
Je n'aurai plus de problèmes, plus d'or
De ma vie je prends les rênes pour l'envoyer dans le décor
Mes chers parents, j'ai vu déjà
L'intégrale de mes tourments et que tout s'arrêtait là
Je ne m'enfuis pas et pourtant je dois reconnaître
Que c'est l'image que je donne en traversant cette fenêtre
Naître fut une erreur dont je ne suis pas responsable
Mais vous ne vouliez que mon bonheur, ne vous sentez pas coupable
Je pars, ce soir je vole, je le fais en étant sobre
L'ivresse ne sera pas une excuse pour qualifier ma méthode
De quitter terre, de vous offrir beaucoup de peines
Vaine tentative de vie saine, alors je pars
Comme lors de mon entrée en scène
Chers parents ce serait horrible de ne pas vous demander pardon
Comprenez-moi j'étais la cible de mon trop-plein d'émotions
J'ai fait le pas qui mène au vide, je vous le répète, lucide et sage
Laissant derrière moi dessins et écritures comme héritage
Je m'enfuis pas, je vole, dans un halo d'éclats de verres
Espérant, comme une luciole, briller dans cet enfer.
Jerry.
***
C'est un endroit qui ressemble à la Louisiane, à l'Italie. Il y a du linge étendu sur la terrasse et c'est joli. La femme de ménage du manoir a fini son travail pour cette matinée ensoleillée et se prélasse gentiment sur le banc soleil, un livre à côté d'elle et une limonade à portée de main. Le chat ronronne sur ses genoux. Ses patrons sont partis pour le week-end. Elle est libre et sereine. Ah, ce qu'elle aime son nouveau travail. Vraiment ce nouveau cadre est idyllique. C'est un nouveau départ pour elle. Après la mort de son mari, qui subvenait à tous ses besoins, elle s'était retrouvée seule, isolée de tous. En effet, Emeline, fille unique, avait épousée Isidore, son amour de jeunesse, à 17 ans. Ils avaient été heureux pendant plus de 20 ans jusqu'à ce qu'une rupture d'anévrisme, n'emporte, sans crier gare, vers l'au-delà, son cher et tendre époux. Orpheline de naissance et n'ayant pas enfanté, Isidore était sa seule famille. Mais le hasard ou la vie, fait parfois bien les choses puisque très rapidement, après les funérailles, Emeline fut mise en contact, par le curé du village, avec cette famille bourgeoise pour qui elle travaillait désormais. Les Durantin étaient charmants. Anne Clothilde, la mère, s'occupait à plein temps de l'éducation de leurs enfants : Jean-Charles – 10 ans, Pierre-Edouard – 8 ans et la petite dernière Anne-Sophie – 6 ans. Le père, Charles-Edouard, s'occupait des affaires et de la gestion de leur patrimoine. Emeline aimait jouer avec ces 3 petites têtes blondes. Elle les considérait un peu comme ses enfants. Elle leur racontait des histoires le soir au coucher et leur préparait amoureusement de délicieux gâteaux. La petite dernière était une fan de charlotte aux fraises. Quant aux garçons, ils préféraient largement le gâteau au chocolat. La vie s'écoulait paisiblement, ici, au manoir, depuis bientôt 5 ans. Plongée dans son roman dont elle dévorait les pages, Emeline ne vit pas le temps passer. Elle s'endormit bientôt et fit tomber à ses pieds son livre ce qui réveilla le gros matou. Ce dernier partit se dorer la pilule sur un tas de bois au coin de la bâtisse. C'est le klaxon du facteur qui venait déposer un recommandé qui la réveilla. Comme de coutume, ils prirent tous deux le temps d'échanger autour des nouvelles du village. Le nouveau maire semblait hautement dynamique et vindicatif car " ah ça non, le nouveau tracé de l'autoroute ne viendrait pas perturber le calme de sa communauté, ni prendre les terres des paysans installés ici depuis des générations. Oui, toutes les manifestations traditionnelles seront maintenues et même développées". Prochainement, le village devrait accueillir un nouveau boulanger en lieu et place du précédent prenant sa retraite. Cet étranger viendrait de la grand-ville. Comment allait-il s'adapter à la vie d'un village d'à peine 200 âmes ? La ville, Emeline, n'y avait jamais mis les pieds. Elle s'en faisait une idée en fonction des histoires que lui racontait le facteur et puis elle écoutait malicieusement les discussions à la sortie de la messe.
Virginie.
***
Ah m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi.
Et regarder les gens tant qu'y en a.
Te parler du bon temps qu'est mort et qui reviendra.
(Renaud, Mistral Gagnant)

Regarder les arbres qui jouent les fantômes,
Repartir bras dessus, bras dessous, vers notre « Home Sweet Home »
En gazouillant comme des oiseaux marrants.
Trottinant dans l'herbe fraîche, au bord des ruisseaux coulant
Vers l'océan des Merveilles.
Et nos cœurs en sommeil
S'éveilleront alors
Et sur la route, au bord,
Nous nous déclarerons notre flamme
Qui emportera tout comme une invincible lame.
La tempête rugira
Et nos cheveux embrouillera.
Comme dans ces films où l'amour n'est jamais tranquille,
En un battement de cils, nous changerons de ville
Et nos mains joyeuses s'enlaceront,
Nous entraînant dans une ronde à flonflons
Au bruit de l'accordéon de nos cœurs
Qui feront entendre une rumeur
Dans tous les villages
Traversés par notre équipage.
Tournoyant dans l'air frais,
Nous verrons notre reflet
Dans l'eau bleue de tous les lacs
Qui nous sembleront des flaques.
Puis le vent nous déposera
Au pied d'une montagne ou dans un vieux débarras
Mais qu'importe,
Tant qu'il y a une porte
Pour enfermer le monde dehors
Et mettre à l'abri nos deux corps
Fatigués par ce périple
Aux péripéties multiples
Et nous nous endormirons au gré des vagues de nos souvenirs,
Bercés par la brise et nos ensommeillés soupirs.
Greg.
***
Comme un arbre dans la ville

Je suis né dans le béton
Coincer entre deux maisons
Sans abus, sans domicile.

Mes feuilles tombent sans jaunir
Sans attendre de l'automne
Je donne le vide à mes esprits
Quand l'hiver s'approche.

Le vent souffle dans le vide
Et balaya mes feuilles
Je me sens dans le vide
Entourer de l'ombre.
Gaiane.

***
« Comme un arbre dans la ville / Je suis né dans le béton / Coincé entre deux maisons / Sans abri, sans domicile  (…) »  (Maxime Le Forestier)

Je suis de sable ou de plastique
De bois de fer ou de ciment

Mon regard fixant le firmament

Ma flamme illumine l’Atlantique


Caressé par tous les vents

Les oiseaux, les rayons du soleil
Sculptant chacun de mes détails avec l’étincelle
Des comètes, aux étoiles luminescentes



L’ovale de mon visage pâle

Inaltérable par delà les océans
Les yeux rieurs levés levés vers moi des enfants
Admirant à mon tour leurs mille visages


Belle à se damner

Mon corps recouvert de vert de gris
Donne à mon âme de bronze gris
Je suis statue de la paix



Souvent repeinte de couleur incertaine

De par l’univers on me reconnaît
On vient de loin pour me photographier
Monter mes marches d’escaliers par centaines


Je fais de l’ombre à la Tour Eiffel

Ma petite sœur
Au son d’un même cœur
Toutes deux faites d’ombres et de lumières



Offerte en présent à des hommes

De pauvres gosses dans les rangs
Qui sur notre sol ont versé leur sang
Pauvres bêtes de somme


Pour une guerre qui voulait changer

Vos espoirs, votre façon de penser
Mais surtout plus que tout effacer
Mon nom : Liberté



Patricia C.

***
« Les gens qui voient de travers / Pensent que les bancs verts / Qu'on voit sur les trottoirs / Sont faits pour les impotents ou les ventripotents / Mais c'est une absurdité / Car à la vérité / Ils sont là, c'est notoire / Pour accueillir quelque temps / les amours débutants. »



C’est l’automne et c’est la pluie qui jaunit les feuilles.
Kassoum et Wilfried repeignent en rouge le banc du square.
C’est le bureau du Pâle Emploi qui leur a fourni ce « travail ». Les guillemets du mot « travail » sont si lourds qu’ils tombent d’eux-mêmes au sol, ainsi que le sens du mot « travail », le sens d’être ici aujourd’hui sous la pluie à peindre un banc. Un seul. En rouge.
Le chef jardinier gueule comme un âne. Selon lui, le banc devrait rester vert, comme tous ses collègues. Les collègues du banc bien sûr, pas les siens à lui le jardinier.
La peinture rouge a été fournie par la mairie, le « salaire » (encore des guillemets pesants) est assuré par le Conseil Général : 4,72 euros de l’heure. C’est un contrat d’entrée dans l’antichambre de l’insertion, quatre heures par jours, trois jours par semaine.
Kassoum pense aux trois semaines de son voyage dans la cale du bateau qui l’a jeté sur une côte européenne, il ne sait pas laquelle, d’où il a envoyé à sa mère ce texto : « ça y est, je suis arrivé chez les Blancs ».
Wilfried tient le parapluie au-dessus de Kassoum, qui tient le pinceau et peint.
Les feuilles jaunissent. Wilfried est bleu de froid. Les autres bancs verts, de loin, rougissent de ce projet artistique à la con qui transforme leur collègue en pseudo-objet d’art soviétique. Ils sont gênés pour lui.
Wilfried pense à ses trois chiens qu’il a laissés dans son studio, un studio tout neuf dans lequel on l’a installé après l’avoir extrait de la rue. Il espère que les chiens se tiennent tranquilles, ils ne sont pas habitués à être loin de lui.
Le chef jardinier passe et leur dit qu’il pleut trop maintenant : on range.
Kassoum mangerait bien du riz. Il pense – en moré – au riz que cuisinait sa mère, au pays. Quand il a pris la décision de partir elle lui a dit oh là là tu fatigues ma vie.
Wilfried pense à la gentille voisine à qui il a expliqué ce matin que dans le quartier, son surnom c’est « Will-l’homme-aux-trois-chiens ».
Will-l’homme-aux-trois-chiens fredonne la chanson de Brassens. Ils s’en vont. Le banc mi-rouge mi-vert ressemble à une réclame pour la Légion Etrangère.
La pluie s’arrête. Kassoum et Wilfried existent.

Bancs verts                                        Gens travers-voyants                                    Amours débutants
                                                           Vérité notoire
Bancs accueillants                             Trottoirs gris                                       Gens impotents
                                                           Travers notoire
Il ne faut rien changer dans le square / On doit réserver le rouge aux géraniums / 4,72 x 4 x 3 c’est un peu plus que le montant de / L’ASS (Allocation de Solidarité Spécifique) / Ass, en anglais, ça veut dire : cul
Bancs ventripotents                           Impotents traversants                                    Trottoirs accueillants
                                                           Absurdité notoire

(Morale élémentaire selon Queneau)

« Pam, pa-dam pa-dam pa-dam, / pa-dam, ti-lam, la-lam, / Ti-lam, ti-lam, la-lam… »
Marie-Hélène.


***