vendredi 15 juin 2018

Atelier RM du 11/06/2018

Insérer une phrase au choix dans un texte.

 
 

Vous étiez tous rassemblés autour de mon lit. Mais mon silence vous inquiétait. Vous cherchiez à savoir. Chacun votre tour, vous y alliez de votre anecdote après vous être présentés à moi.

« Je suis Charlotte, tu ne te rappelles vraiment pas de moi ? Nous avons eu deux enfants : Églantine et Isidore. Ils sont restés à la maison avec leur grand-mère. 9 ne te dit rien ? Regarde ce sont eux en photo… »

Mais non, cela ne me parlait pas. Tous ces visages m'étaient inconnus. J'avais l'impression que l'on me racontait des histoires, que l'on parlait de la vie de quelqu'un d'autre. Mais non, vraiment aucun souvenir. J'étais devenu amnésique suite à cet accident de voiture sur l'autoroute. C'était il y a trois mois il parait. Enfin, c'est ce qu'ils disent tous. Bref, je ne parle pas, je ne me souviens pas. Je ne veux vexer personne. Cette belle Charlotte aux yeux verts en amande qui me regarde en pleure, il parait que c'est ma femme depuis dix ans. Nous nous serions connus au lycée et nous ne nous serions plus quittés depuis lors.

Je découvre, au jour le jour, ce qui était ma vie il a trois mois. Les gens défilent, frère, sœur, cousins, voisins, collègues. Il parait que je suis épicier et que depuis mon accident c'est mon frère qui tient la boutique. Il me rend ce service mais ça lui rend service également. ? Il était au chômage depuis un licenciement économique et commençait à tourner en rond. Au bout d'un an de chômage, il était devenu l'ombre de lui-même. Mon remplacement à l'épicerie lui redonne du poil de la bête.

Chacun, chacune vient à mon chevet, me perle de nos soit disant souvenirs communs. Moi, j'écoute. Ils sont tristes, ils disent : « quand même tu n'as pas pu oublier ceci ou cela ? Tel ou tel évènement ? » Bein si, ma mémoire est vide. Aucun souvenir. Tous ces visiteurs sont pour moi des étrangers. C'est bizarre de ne pas avoir de passé. Enfin si, j'ai seulement en mémoire mes quinze derniers jours d'histoires suite à mon réveil. Des histoires divers et variées de ma famille, de mes amis et de la vie avec le personnel hospitalier. Il parait que ça va revenir, qu'il faut être patient. Mon corps est lui aussi affaibli après trois mois de coma. Corps atrophié, souvenir zéro : c'est peut-être une nouvelle naissance pour moi. Comme le possible d'écrire un nouveau chapitre de ma vie, plus beau, plus vrai, plus intense. L'occasion de donner plus de sens.

Elle est mignonne cette Charlotte qui me rend visite tous les jours. Je suis content qu'elle soit ma femme. Elle me plait bien. Mon cousin Hector, quant à lui, beaucoup moins ! Il ne me parle que de choses négatives, de soucis financiers, de son exploitation agricole, de ses difficultés, des quotas, de la vie dure des paysans de nos jours, du bio, des contraintes…Il me raconte ces trucs-là 10 fois 100 fois. Je sature un peu. Il radote un peu. Déjà le pauvre, il n'a que 45ans. Ca promet ! Ma sœur, elle, est une grande sportive. Elle me parle de tous les sommets qu'elle a gravi, de ses expéditions, de ses bivouacs treks et tutti quanti. Au moins avec elle, je voyage, je m'évade loin de mon lit d'hôpital. Mon frère Paul est peu disponible puisqu'il tient mon commerce. Quelque fois, il passe me voir mais ce qui l'intéresse ce sont surtout les infirmières qui s'occupent de moi. Enfin bref…

Mes parents ne sont plus de ce monde Partis dormir au firmament l'an dernier. J'ai beaucoup pleuré à leur enterrement m'a-t-on rapporté.

 Mes enfants sont bougeons et plein de vie et me rapportent moult dessins et collages informes du haut de leur huit cumulés : Églantine à 5 ans et Isidore trois.

Ma vie a l'air plutôt sympa. Si seulement mon banquier pouvait, tout comme moi, oublier certaines données. Mais non, l'amnésique c'est moi. Je réapprends mon histoire et les gestes de la vie quotidienne avec la bienveillance de l'équipe médicale et de mes proches. Dans trois semaines je pourrai rentrer chez moi et découvrir la suite.



Virginie

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