lundi 9 mai 2016

Textes de Jérôme

A François,
à la mémoire de Mady


Dernier souffle

Tu étais étendue, Mady, immobile sur ton lit d'hôpital. Très lentement tu respirais. J'étais là, à ta gauche, assis sur un fauteuil et je veillais. Je savais, nous savions, que tu t'éteignais peu à peu. Mais j'étais bien avec toi. Nous étions amis et je restais fidèle, par mon attitude, à cette amitié. J'étais calme, détendu, mais je veillais. Je lisais tranquillement, comme si de rien n'était, un livre d'Yvan Amar intitulé "L'Effort et la Grâce". Une coincidence qui ne s'invente pas. 

Je te regardais régulièrement. Parfois je venais poser sur ton front un baiser comme une plume ou je caressais ta main dans un effleurement. Je crois. Je ne suis plus sûr. Je te parlais aussi je crois, à voix basse. Mais surtout je veillais et je lisais par bribes. 

Soudainement ta respiration profonde et basse se fit plus haute. Ta respiration remontait lentement de ton ventre à ta poitrine et de ta poitrine à ta gorge. Tu cherchais l'air. Tu étais apaisée je crois. Mais tu cherchais l'air comme dans un dernier effort. Mais un effort sérieux, apaisé, résolu et doux. Comme tu savais l'être de ton vivant 

Depuis quelques minutes j'étais debout au côté gauche de ton lit. Ma main gauche reposait délicatement sur ta main gauche et ma main droite reposait fraternellement sur ta tête. Et puis le souffle, ton souffle est remonté très haut, très haut. Tu as respiré deux, trois fois très haut. Puis tes yeux fermés se sont ouverts en grand. Ils étaient très beaux tes yeux. Magnifiques. Tu contemplais dans un étonnement sublime me semblait-il quelque chose de très beau, de neuf et de spectaculaire. Me semblait-il. Tes yeux se sont fermés ensuite et tu as expiré une dernière fois. Je t'accompagnais dans le Mystère des mystères. Et pendant tout ce temps j'ai prié. Oui j'ai prié très fort. Mon Dieu ! Mon Dieu ! Ta volonté ! Pas la mienne ! Pas la nôtre ! Si cela doit être, vas-y Mady ! N'aies pas peur ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! Ta volonté ! Je crois avoir dit tout cela dans ma prière, et si je ne l'ai pas dit , que Dieu me le pardonne, je l'ai sûrement pensé. Ces instants, les derniers pour toi sur cette terre étaient si forts, si intenses, si authentiques, si puissants, si dépouillés... Et tu m'as offert ces instants, tu m'as offert ton départ. 

Un jour, chez toi, tu m'avais dit "je voudrais que tu sois là quand je vais partir". Ton vœu a été exaucé Mady. Tout était fini, là. A l'instant même où tu rendais ton dernier souffle, je fus plongé dans un torrent de vie. Tu quittais la vie, tu entrais dans la Vie et moi je débordais de vie. Je vivais comme un éveil. Et tu m'accompagnais à ton tour, Mady, dans une vie nouvelle pour moi. Tout cela me dépassait. Me dépassait. Et me dépasse encore. C'était le choix de Dieu je crois. Puis j'ai appelé François au téléphone et je lui ai dit "Mady est partie...". Et il m'a répondu "j'arrive..." 
 
***
Le 28 avril 2016

Voir le jour se lever
Et me souvenir de toi,
Le soleil éclater
Sur tous les Enfants Rois. 

Encore quêter l'Eveil
Et le voir disparaître,
Ce fut une merveille,
Mais lâcher prise et être

Vont me guider demain
Pour cheminer sur terre ;
Applaudir des deux mains
Le cadeau du Réel.
 
 ***
Le 13 mai 2016 

Apprendre à dire je t'aime et oser le redire
Avant d'aller au Ciel et partir sans regret
Apprendre à dire je t'aime et partir sans séduire
Les yeux grands ouverts avec le cœur en paix
 
***
Le 13 mai 2016 (nuit)
 
De nos fragilités naîtront des lits d'étoiles
Dans le ciel de l'été sur un manteau de fleurs
Près de chapelles en feu comme des cathédrales
Pour plier le genou et guérir de nos peurs
 
***
Le 15 mai 2016
 
Depuis que tu es partie
ton absence éclaire ma vie ; 
La lumière 
se fait plus vive ; 
De soleils en giboulées
le printemps est là, 
plus incarné ;
Et j'accueille la grâce
d'un ciel neuf
avec un oiseau dedans.
 
Écouter le silence,
Se laisser respirer,
Détendre à l'infini
Le fil de l'existence,
Célébrer l'amitié,
Famille, fraternité.
Et accueillir l'Esprit.
Ici la Vie Se pense.  

***
Le 16 mai 2016

À Pedro Diaz

Embrasser le vivant
sur l'écran de mes yeux

Embraser le présent
dans mon cœur palpitant

Vers le silence radieux
où respire mon Enfant
 
 ***
Le 17 mai 2016
 
Jaillie du ciel,
une hirondelle
s'est posée sur l'épaule
d'un laboureur. 
Sans avoir peur. 
Et sans faux-col. 
D'un coup de crayon de couleur,
elle lui a dessiné une moustache. 
Bleue. 
Pour faire sérieux. 
 
 

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