jeudi 13 avril 2017

Atelier d'écriture du 10/04/2017 - 18h15


Animé par : Nelly
Imaginez-vous à cent ans avec un animal de compagnie insolite.
***
Aujourd'hui, c'est mon anniversaire. Je souffle mes 100 printemps. Ça fait bien longtemps que j'ai perdu toutes mes dents, bon nombre des membres de ma famille et de mon cercle amical. Tous sont partis dormir au firmament.


J'ai relu pour la énième fois, le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson. Quelle vie va-t-il eu ! La mienne est beaucoup moins rocambolesque, juste un petit peu plus classique. Elle ressemble à celle du personnage décrit dans la chanson la centenaire de Linda Lemay. 7ème enfant d'une fratrie de 12 dans le sud de la France. J'étais lavandière. Je me suis mariée très jeune. J'ai eu 8 beaux enfants. Je suis devenue grand-mère puis arrière-grand-mère. Tout ce petit monde est, aujourd'hui, soit six pieds sous terre, soit à l'autre bout de la terre. Ah ! la vie d'expat', c'est formidable parait-il ? Je reçois des courriers de temps en temps de mes arrières petits-enfants. Je les lis silencieusement au coin du feu, avec, sur mes genoux, mon kiki.


Kiki, 12ème du nom. C'est ma petite boule de poils. Ce n'est pas très résistant comme bestiole : une espérance de vie de 5 à 7 ans. Mais, c'est très attachant. C'est un croisement entre un chien angora et une plante verte du désert marocain. Mon kiki a les yeux couleur menthe à l'eau, le poil long et brillant et des oreilles éléphantesques. Son cri est fluet. Il ne pèse pas lourd mon kiki, à peine un kg. Il est tout rikiki mon kiki ! Mon kiki est hermaphrodite. Il est très fidèle. Il me suit partout dans mon logis où je vis en colocation avec des jeunes retraités de 70 à 80 ans. Ensemble, on se fait des soupes parties et des soirées purées de légumes à gogo. C'est plus facile à manger et en plus, on peut oublier de mettre nos dentiers. ;-) Et puis mon kiki, il aime bien lécher les fonds de plats. Il léchouille pendant des heures nos fonds de soupières.


Le temps passe inexorablement. Il semble que la mort m'a oubliée. Combien de kiki vais-je encore connaître ? On me parle souvent de Jeanne Calment qui a vécu 120 ans. Putain ! Encore 20 ans à trainer cette vieille carcasse ! Je tue le temps comme je peux entre les émissions de radio à tue-tête : ah oui je suis devenue dure de la feuille ; la lecture des journaux : ce qui peut prendre pas mal de temps car pour cela je dois mettre la main sur mes lunettes. Avec mes colocataires, ce n'est pas gagné. On se fait souvent des farces entre coloc', on se cache des objets. Ça pimente le quotidien. La dernière fois, mes lunettes ont fini dans le tambour de la machine à laver, programme à 90°, essorage 900 tours minute. Je vous laisse imaginer la suite.  On passe des heures à jouer aux cartes, aux scrabbles ; à écrire ; à raconter nos vieilles histoires que nous connaissons désormais tous par cœur…depuis le temps que nous cohabitons.


J'ai décidé de raconter ma vie dans un livre. A force de ressasser nos vieux souvenirs à mes coloc', je me suis dit que j'allais coucher sur papier toutes nos histoires. Peut-être cela intéressera-t-il quelqu'un, qui sait ? C'est que j'en ai vu des choses en 100 ans de vie et la vie a bien changée, évoluée depuis ma plus tendre enfance. Je me prends à rêver d'édition, de fête du livre, de dédicaces, d'interviews…Ça me donne le sourire (sans dent). Mon kiki est du même avis. De toute façon, il n'a pas trop le choix car c'est moi qui lui prête des intentions, des émotions, des attitudes en fonction de mes envies et des humeurs. Je l'aime bien mon kiki. C'est peut-être mon seul vrai Ami. Cent ans d'une vie, à votre avis, ça fera combien de pages ? Aurai-je un prix littéraire ? Allez, dîtes-moi oui !
Bon, je vous laisse, j'ai le roman de ma vie qui m'attend ! 
Virginie.
***
Gros-Bec frappe à la porte. Il est déjà de retour, traînant derrière lui, dans un chariot à suspension magnétique, les provisions que je lui ai demandé d’acheter au supermarché coopératif installé sur le boulevard. J’y serais bien allé moi-même, mais j’attends encore ma paire de jambes cybernétiques que ma mutuelle avait promis de m’envoyer la semaine dernière. Il fait déjà nuit et les restrictions d’électricité décidées par le gouvernement afin de réduire les déficits énergétiques sont entrées en vigueur depuis deux mois. Heureusement que j’ai pu m’équiper d’implants oculaires infrarouge achetés à bas prix sur le Net. La batterie de mon fauteuil n’est pas loin de rendre l’âme, mais il me transporte tant bien que mal jusqu’à la porte d’entrée. La porte coulisse et Gros-Bec me salue de ses petites ailes atrophiées. C’est une petite autruche génétiquement modifiée pour répondre aux normes européennes réglementant la taille et l’intelligence des animaux de compagnie. Je débarrasse mon gros oiseau du harnais le reliant au chariot et il me remercie de son œil noir globuleux, avec un hochement de tête. Je le grattouille sous le bec. Il adore ça. Puis je lui présente une petite assiette de graines de courge qu’il avale goulûment. Je lui sers une ration d’eau supplémentaire après avoir vérifié que le stock serait suffisant jusqu’à la prochaine distribution municipale par camion-citerne. Heureusement, il m’en reste suffisamment pour finir la semaine.
Je m’endors ensuite sur mon fauteuil, après un énième visionnage du 25e épisode de Star Wars que je n’ai toujours pas compris. C’est qui, Dark Vador, déjà ? Je croyais que la princesse Leïa était mariée avec Han Solo, mais ils ont divorcé et Leïa s’est mise en couple avec Chubaka, la créature poilue. Ça va trop vite pour moi. Gros-Bec étaient tous les appareils de l’appartement pour économiser les batteries fournies gratuitement aux retraités par EDM (Électricité du Monde). Eh oui, parce que je suis un jeune retraité depuis quelques mois. Avec les nouvelles lois, je n’ai pas pu arrêter de travailler avant cent ans révolus. Tout ça à cause des mesures d’austérité mises en place par le Président de la Terre, Ronald Trompe, un éléphant modifié spécialement pour faire de la politique. Il me fait marrer, celui-là, avec ses cheveux jaunes et ses projets de muraille pour lutter contre l’immigration des martiens qui viennent abuser des terriennes et prendre le travail des honnêtes terriens. En plus, sa trompe est minuscule et ses oreilles sont tellement larges qu’elles cachent son visage lorsqu’il les bouge très fort.
Gros-Bec me réveille vers huit heures du matin, par des petits coups de bec sur la joue. Devant moi, la table est mise. Au menu, croquettes aux algues et fricassée de sauterelles aux petits oignons. Miam ! Quand je pense que dans ma jeunesse, on se régalait d’un morceau de viande de vache et de légumes poussant dans la terre. Aujourd’hui, la terre est épuisée, que voulez-vous. Il ne nous reste que des étendues agricoles sous serres et d’immenses fermes où on cultive des algues et où on élève des insectes. Et le climat, je ne vous raconte pas ! La semaine dernière, une tempête de sable s’est levée et il a fallu déblayer la place de l’Hôtel de Ville et les immeubles autour à la pelle mécanique. De ma fenêtre, je vois les palmiers du Parc de Montaud. Si les paysans bio se débrouillent bien, on aura peut-être des noix de coco, l’hiver prochain.
Greg.
***
 



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire