mercredi 28 février 2018

Atelier d'écriture du 27/11/2017

Animé par : Greg
Inducteur :
« Ce n’est pas fini, les autres aimeront pour toi, les autres verront le ciel pour toi. »
Eugène Ionesco, Le Roi Se Meurt
« Ne vous curez pas le nez pendant que je parle, c’est répugnant. »
San-Antonio, Les Vacances de Bérurier
« Donc le poète est vraiment voleur de feu. »
Rimbaud, Poésies (1870-1871)
« Elle voit le fantôme léger de son amie se coller à chaque fenêtre du rez-de-chaussée. »
François Mauriac, Thérèse Desqueyroux
« Trois autres jours, et toujours pas de nouvelles. Attendre ainsi devient vraiment angoissant, terrible. »
Bram Stoker, Dracula
***
« Ne vous curez pas le nez pendant que je parle, c’est répugnant, me dit la grande bringue, tandis qu’elle brandit vers moi sa longue baguette avec laquelle elle frappe régulièrement son petit bureau.
Elle met ensuite son bâton sur l’épaule et marche de long en large sur l’estrade. Je fourre ma main dans la poche. Derrière moi, ça pouffe. Je me retourne. Derrière mon épaule, y a Fred qui me fait une grimace. L’institutrice sèche et dégingandée déblatère son cours comme à l’ordinaire, de manière monocorde. Ça roupille dans les rangs. Puis soudain : « Ouvrez vos livres à la page 99 ! ».
J’ai un moment de panique. Quel livre ?
Tout le monde a le sien, pas moi. Tout le monde feuillette le petit livre de poche et cherche la page 99. Je transpire. La baguette se pose sur mon bureau. « Encore oublié votre livre, Machin ? », elle me fait en approchant son visage buriné. Merde ! C’est quoi, cette manie de m’appeler Machin. C’est pas mon nom, moi mon nom, c’est … J’ai pas le temps de lui dire. Elle remonte sur son estrade et annonce « Machin, au tableau ! »
Je me lève en tremblant. Une fois sur l’estrade, devant le panneau vert kaki, elle me tend son exemplaire du livre et me dit sèchement : « Page 99, lisez la dernière phrase ! ». Je m’empare du bouquin avec mes doigts tout collants de sueur, cherche la page puis la phrase.
« Elle voit, elle … voit le fantôme léger de son amie ... »
La suite, elle la récite de mémoire, agacée.
« Se coller à chaque fenêtre du rez-de-chaussée »
À quelle figure de style avons-nous à faire ici ? Me demanda-t-elle avec ses petits yeux noirs de furet.
Je panique à nouveau. J’ouvre la bouche, mais il y a une sorte de charabia qui sort.
« C’est … c’est la figure de son amie qui... »
« De style ! Je parle de figure de style ! »
La baguette oscille devant moi. Parfois elle s’immobilise devant mon nez.
« Qui peut me le dire ? A part Bidule, bien sûr ! »
Bidule, qui avait levé le bras à s’en démettre l’épaule, repose sa main sur le bureau, dépité dans sa têt bien peignée de premier de la classe.
« C’est une … c’est une … Allez, je vous aide, ça se termine par « phore », concède l’instit.
« Madame, c’est trop fort, comme figure de style ! lance Trucmuche, qui pense sincèrement avoir trouvé.
La grande, là-haut, sur son estrade, soupire. Elle s’affaisse soudain, rétrécit pour faire presque une taille normale et dit, d’un ton fatigué :
« Bon, Bidule, dit la réponse !
« Une amphore, dit-il, fier de lui en se levant comme un seul homme.
L’instit s’assoit. Même le premier de la classe a flanché. C’est la déroute.
« C’est une métaphore, je m’exclame soudain, touché par la grâce.
C’est mon heure de victoire !
L’instit m’adouberait presque avec sa baguette. Pour un peu elle me nommerait Chevalier des Arts et des Lettres. Je suis son champion.
Ses yeux noirs s’agrandissent alors qu’elle me regarde.
Je suis son nouveau chouchou ! Bidule a été détrôné !
Ça sonne dans le couloir. Toute la classe se lève. Même Bidule court avec les autres.
Je reste pour nettoyer le tableau. Noblesse oblige !
Greg.

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