dimanche 19 juin 2016

Atelier d'écriture du 13/06/2016 - 18h15

Animé par : Sarah
Première phrase complète prise page 99 du roman « Laura C. » de J. Duquesne :
« Les policiers écoutaient à peine, un peu embarrassés quand même ».
Consigne : intégrer cette phrase dans un texte, mais ni comme incipit, ni comme conclusion.

***

« Au marché de Brive la Gaillarde
À propos de bottes d'oignons
Quelques douzaines de gaillardes
Se crêpaient un jour le chignon
A pied, à cheval, en voiture
Les gendarmes mal inspirés
Vinrent pour tenter l'aventure
D'interrompre l'échauffourée

Or, sous tous les cieux, sans vergogne
C'est un usage bien établi
Dès qu'il s'agit d'rosser les cognes
Tout l'monde se réconcilie
Ces furies perdant tout'mesure
Se ruèrent sur les guignols
Et donnèrent, je vous l'assure
Un spectacle assez croquignol »

Là cesse mon emprunt à Georges
L'récit maintenant est de moi
Ça crie comm' cochon qu'on égorge :
« Des renforts ! Des renforts ! Holà ! »
Le maire appelle la préfète
Qui aussitôt relaye l'SOS
« Envoyez vite une estafette !
Oui ça urg', je dis mêm' ça presse ! »

V'la donc les renforts qui rappliquent
On tent' un point d'situation
On va expliquer à ces flics
La genèse de cette baston
Les policiers écoutaient à peine
ça les gavait bien d'être là
Un peu embarrassés quand même
Mais leur chef a dit : « On y va ! »

Alors ils fonc'nt dans la mêlée
Ils sortent leur canon à eau
Hésit'nt : « Est-ce qu'on va taser
Ou s'borner à des lacrymos ? »

Soudain les femelles en rage
Cessent de cogner les guignols :
Ell's doiv'nt rentrer fair' leur ménage
Et chercher les mômes à l'école
Que reste-t-il de cett' bagarre
Un peu r'vue, un peu corrigée
Quelques brib's dans quelques mémoires
Quelques trous place du marché
Brive la Gaillard', si charmante
A repris son gentil train-train
Une histoir' de gnons et de pains !
Mais parfois, c'est vrai, on y chant'

Et pour ceux qui voudraient revenir au texte original de la chanson du grand GeorgesBrassens, le titre en est « Hécatombe »
Laurence.
***
Jeudi soir, au sortir de l'AMAP, alléché par la perspective d'une bonne salade verte et de pommes de terre rissolées, je marchais d'un bon pas, perdu dans mes pensées culinaires. Mon sac Lidl se balançait doucement au rythme de mes pas. Le nez en l'air, admirant les étoiles, je ne m'étais pas aperçu que je m'étais éloigné de la ville, doucement bercé par la fraîcheur du soir. Je me suis retrouvé sur un chemin de terre et, après quelques instants d'égarement, je me suis à nouveau mis en marche vers ce que je supposais être la direction de mon logis. J'arrivai à une petite route et il ne restait plus qu'environ deux kilomètres à parcourir lorsque, derrière moi, résonna une petite voix.
« Schluf Zorbizof Euro 2016 ?
Une fois mes yeux habitués à l'obscurité, je vis une petite silhouette, un peu malingre, surmontée d'une tête grosse comme une pastèque dont les yeux noirs me dévisageaient d'un air interrogateur. Je ne savais pas quoi répondre. Peut-être était-ce simplement un supporter tchèque qui s'était égaré dans la campagne et cherchait le stade Geoffroy Guichard. Alors, je me suis lancé dans des explications complexes et embrouillées pour lui indiquer le chemin. Ça n'a pas été très probant. Le type a ensuite tourné les talons après avoir baragouiné un truc comme « Xeroflu Bleuren Guichard ».
J'ai haussé les épaules et j'ai repris mon chemin sans me poser de questions et c'est là que je l'ai vu. Derrière les arbres, ça a fait comme une lueur bleuté, un long sifflement aigu et de la fumée blanche. Ça volait lentement au début, c'était comme deux sous-tasses collées l'une à l'autre, vous voyez ? Ou plutôt un gros macaron noir avec des voyants qui clignotaient de partout, comme dans ce film des années quatre-vingt, vous savez ?
Les flics écoutaient à peine, un peu embarrassés quand même. Y en a un qui regardait son café, un autre se grattait la tête, le troisième tapait sans conviction sur le clavier de son ordi.
Ils m'ont fait un alcootest et j'ai repris mon sac. J'en ai vu un qui rigolait dans le couloir. Ça ne m'a même pas vexé. Je suis resté digne, avec mes légumes bio et ma conscience tranquille. Ils en feront une drôle de tête quand, à la place d'un match de l'Euro 2016, ils verront un vaisseau de l'espace se poser sur la pelouse du terrain.
« Bogdanof Schogli », m'a fait un petit être sur le trottoir avec un signe de sa main à trois doigts.
« Bienvenue sur Terre », je lui ai répondu.
Une invasion, c'est pas franchement ce qui peut nous arriver de pire, au point où on en est !
Greg.

dimanche 5 juin 2016

Atelier d'écriture du 23/05/2016 - 18h15

Animé par : Greg, sur la base d'idées de Laurence.
Soutien au Remue-Méninges
Quel est votre plus beau souvenir au Remue-Méninges ?
Et si le Remue-Méninges n'existait plus ?
« Je me souviens de ma première fois au Remue-Méninges »
Écrire une chanson sur un air connu qui explique ce qu'est le Remue-Méninges.
Raconter ou inventer une anecdote ayant pour cadre le Remue-Méninges
***
On prend l’habitude…

Raser le coin de la rue Émile Reymond
Prendre à gauche rue Désiré Claude (qui, en vrai, s’appelait Claude Désiré)
Apercevoir à quelques mètres, sur le trottoir, le panneau surmonté d’une marque de blonde tchèque
Vérifier le programme du jour, histoire de ne pas s’agréger par mégarde à une distribution de légumes avec un stylo pour tout potage…

Normalement on est lundi, le lundi c’est écriture.

Et là… RIEN !!

Plus de panneau
Pas une chaise en terrasse
Plus de devanture rouge
Zéro vitrine.
C’est un cauchemar.
La rue est, comme d’habitude, fréquentée par des bagnoles.
Mais sur le trottoir on peut voir errer, désemparés, comme autant de points d’interrogation :
  • Un couple de danseurs de tango (en costume, escarpins cirés),
  • Plusieurs individus, le cahier sous le bras,
  • Un grand monsieur qui porte un estofa-fuòc rouge, prêt à servir, de marque CSP
  • Un barman sans plateau, deux plateaux (d’échecs) sans joueurs
  • Des piles de livres sans lecteurs
  • Des lecteurs sans leur verre
  • Des gens qui jouent dans une pièce de vampires et se lancent des répliques de la pièce « Grand fou ! – Non, je ne suis pas fou », etc.
  • Amnesty International en train de préparer tout de même leur prochaine soirée d’info…
Et puis, et puis…
Des livres des livres des livres, des gens. Un frigo vide, béant. Un piano avec toutes ses dents, mais muet. Un percolateur, dix bouteilles de sirop dont certains aux parfums très étranges. Des tabourets, un fauteuil rouge, des pages et des pages d’écriture évadées d’un gros classeur : prose, poésie, contes… Une farandole de chaises, d’affiches, des tableaux, deux ou trois dessins rigolos…
Et pas le moindre raton-laveur.
Sur le trottoir opposé : trois canapés vides alignés.
Je m’assois donc et contemple en face de moi la bâche aux couleurs criardes avec son slogan racoleur, qui recouvre l’emplacement de notre café associatif préféré :
« LOCAL A RECONVERTIR EN COMMERCE PAYANT.
ICI LA VILLE DE SAINT-ÉTIENNE BÂTIT VOTRE AVENIR ».
Tu parles…
Marie-Hélène.
***
"Je me souviens de ma première fois au Remue Méninges"


Ma première soirée au Remue Méninges... j'ignorais alors qu'elle allait constituer le début d'une longue, longue série d'autres premières.

Installée à Saint-Étienne depuis quelques semaines, j'avais abordé l'une de mes nouvelles collègues avec laquelle il paraissait que j'avais quelques atomes crochus. D'ailleurs, c'était elle qui avait commencé en me disant "J'aime bien ton côté baba cool, tu dois manger bio, non ?". Sans blague, ça se voit tant que çà ?!!
Je l'avais abordée, donc, pour lui demander si elle connaissait un lieu où je pourrais avoir des légumes bio, locaux... "une AMAP quoi !", avais-je précisé, "je faisais çà à Lille où j'habitais avant, et je trouvais que c'était à la fois sympa et très bon !"
- Tu fais quoi jeudi soir ? Me répondit-elle
- Ben, rien... je connais encore personne ici... à part les collègues du service
- Bon, alors je t'emmène boire un coup au Remue Méninges, c'est là que je prends mon panier AMAP depuis 2 ans. L'endroit devrait te plaire, ajouta-t-elle avec un petit sourire...

Et me voici de retour chez moi, l'adresse du Remue Méninges bien notée sur un post-it emprunté au service. Voyons, mon plan de Sainté (ah oui, en quelques semaines j'ai déjà appris qu'on pouvait dire "Sainté"), repérage de l'itinéraire entre chez moi et le 59 de la rue Désiré Claude. OK, je suis parée, et je retrouve ma collègue devant le Remue Méninges. (A noter que, pour ma première fois, je n'ai pas galéré pour stationner ! Depuis... c'est souvent une autre histoire !).

Bon, ben m'y voici dans cet endroit qui "va sûrement me plaire".
- Salut Christine, tu vas ?
5 ou 6 personnes se sont approchées de ma collègue...
- Je te présente Laurence
Et clac, direct, 5 ou 6 bises claquent sur mes joues
- Tu bois quelque chose ?
- Moi, c'est Jean-Louis
- Salut, moi c'est Ben
- Sois la bienvenue !
Et puis voilà Didier et ses paniers de légumes...
C'est sur, la première impression est plus qu'encourageante... elle frôle même l'enthousiasme !
- Tiens, prends un programme ! Me glisse Justine, ou Audrey, je ne sais plus

C'était donc un jeudi.
La semaine suivante, j'étais à l'atelier d'écriture le lundi, puis le jeudi à l'AMAP, puis le vendredi à un concert.
Et puis après, les autres semaines suivantes, juste pour retrouver, toujours intacte depuis bientôt 2 ans, la chaleur du lieu, les échanges, les copines et les copains (çà change des collègues, même s'ils sont cools), une, deux, trois fois par semaine, parfois plus..
Et puis même les week-ends lorsqu'il y a des choses prévues, le festival Paroles et Musiques, les Guinguettes, et puis aussi le bénévolat au bar, et l'engagement au CA...

Allez, j'avoue : si j'ai eu envie de me poser à Saint-Étienne, si je fais tout pour pouvoir y rester, ma première fois au Remue y est pour quelque chose !

Et ma collègue ? Elle va bien, et je la remercie encore de m'avoir amenée jusqu'ici !

Laurence.
***
Je me souviens...
Du Remue-Méninges comme d'un lieu avec des fauteuils, des tables basses, des chaises dépareillées, une toile cirée à pois sur une petite table carrée. Sur une minuscule estrade rouge dans le fond, était installé un groupe de musiciens aux accents latinos ou autres. Au comptoir, on buvait de la bière locale en devisant sur l'état du monde ou sur les petites misères du quotidien.
Près de la grande fenêtre donnant sur la rue, une étagère remplie de BD, à côté d'un canapé usé mais semblant encore confortable. En face, des livres rangés sur des rayonnages noirs. Sur une petite bibliothèque, des ouvrages de poésie en dépôt-vente.
Je n'avais pas encore saisi la signification du terme « participatif », mais j'avais déjà classé le lieu dans la catégorie « insolite ».
Après le concert, des personnes du public sont montés sur la scène pour un « bœuf » à la guitare et aux percussions, quelques-uns ont entonné une chanson. L'ambiance était au max, l'atmosphère chaleureuse et simple, pleine de vie.
C'est bien après, vers la fin de la soirée que je l'ai aperçu, du coin de l’œil. Au début, il n'avait pas attiré mon attention, noyé qu'il était dans la multitude d'autres comme lui.
Un petit flyer dont la couleur n'est pas restée dans mon souvenir. Je l'ai pris dans la main et il m'a dit, d'un ton sympathique :
« Atelier d'écriture, les deuxième et quatrième lundis du mois au Remue-Méninges »
C'était quelque chose que je recherchais depuis toujours et ce lieu me tendait les bras, me déclarant :
« Hé, ça peut t'intéresser ! »
Un lieu rare, fragile comme toutes les choses rares, comme toutes les espèces en voie de disparition, où on peut lire, écrire, parler, écouter, entendre, regarder, voir, participer, prendre la parole, organiser, chercher, trouver, réfléchir, donner et prendre des idées, emprunter et échanger des livres, gérer, prendre des responsabilités ou tout simplement boire des verres, s'en faire offrir, en payer, même passer derrière le comptoir pour en servir. Bref, un monde en soi, un univers, mais un univers ouvert vers l'extérieur, l'autre.
Les différences déséquilibrent et font tourner la grande roue de notre planète, elles bousculent, elles sont in-maîtrisables, irréductibles, effrayantes parfois, mais elles constituent le combustible de notre monde, le seul qui soit inépuisable et renouvelable.
Le Remue-Méninges porte en lui tout cela, il porte une dynamique qui ne s'effondre pas si on le laisse vivre.
Cette leçon vaut bien une subvention, sans doute ?
Greg.