mercredi 28 février 2018

Atelier d'écriture du 12/02/2018

Animé par : Greg
Tirage au sort de lieux et de raisons d'y aller
***
Lieu : "Station spatiale"
Raison : "Se retrouver"
Je m’étais bien préparé. Une paire de jumelles, de bons bouquins, des sous-vêtements propres pour deux semaines. Le prospectus vantait « le ciel clair, la nuit étoilée sans limites, les grandes étendues infinies de l’Univers à portée de main. Une nourriture saine élaborée par des grands chefs (étoilés eux aussi) ». Le spectacle permanent du ballet régulier des astres m’attendait. Je ne dormais plus depuis des jours. Dans l’avion qui nous emmenait vers les steppes d’Asie Centrale, j’en ai écrasé comme un môme. Un type portant une chapka m’a réveillé à l’arrivée. On est montés dans un bus à la carcasse rouillée qui crachotait et menaçait de se disloquer à chaque virage. Ça commençait bien ! Si la fusée était dans le même état, on allait finir comme les débris de la station Mir, à tourner un peu dans l’espace puis à s’enfoncer avec des flammes dans l’atmosphère. Le bus nous a posés devant un hangar et on s’est déshabillés pour enfiler nos scaphandres de cinquante kilos, puis une grue nous a déposés sur le plateau d’un camion qui nous a bringuebalés vers le pas de tir où la fusée nous attendait. « Technologie russe d’avant-garde et éprouvée » disait le prospectus. Mon œil ! On se serait cru dans un documentaire en noir et blanc sur les pionniers de la conquête spatiale. Avec leurs réductions des coûts, on allait finir en météorite, c’était certain ! L’Allemande en face de moi transpirait. Je ne voyais plus son visage à cause de la buée. Quant au Hongrois, il n’arrêtait pas de gigoter. J’ai même cru qu’il allait déchirer ma combinaison, cet imbécile. Le Russe qui nous accompagnait n’arrêtait pas de parler en anglais mais avec un accent tellement fort que je n’y comprenais rien. Il nous montrait les cadrans sur le bras gauche du scaphandre, mais impossible de savoir si ça indiquait la pression, la température ou autre chose. J’avais opté pour un séjour dans une station spatiale pour la sérénité et la méditation, les questionnements existentiels et tout le tremblement. J’en avais marre de la surface de la planète, où on se marchait sur les pieds, où il fallait jouer des coudes pour l’accès à l’eau, à l’air pur et à la bectance. Alors j’avais choisi un long séjour en apesanteur dans une boîte de conserve. À Baïkonour, ils demandaient des cosmonautes volontaires pour nettoyer les chiottes et changer l’eau des grenouilles qui faisaient l’objet d’expériences dans la station orbitale Mir II. Il fallait juste payer le voyage au Kazakhstan, le reste était tous frais payés. Ils avaient lancé ce programme, car ils n’avaient plus de sous pour payer des cosmonautes professionnels. Alors j’ai dit banco. C’est encore mieux qu’un monastère bouddhiste, je me suis dit. Et j’allais me lancer moi aussi à la conquête des étoiles, prendre un peu de hauteur, regarder ma vie de loin, me retrouver, quoi ! Le Hongrois m’agrippait le bras. Le camion s’était arrêté au pied de la fusée, mais il ne voulait pas descendre. La panique. Paraît que ça arrive parfois, avant d’embarquer. Je ne pouvais pas lui en vouloir, le pauvre. Mais j’ai dû le bousculer un peu pour me laisser tomber lourdement au sol. Un petit pas pour moi …

Le Russe aidait l’Allemande, qui avait fini de transpirer et s’était calmée un peu. Moi, j’ai progressé tant bien que mal vers l’ascenseur qui s’est élancé comme un monte-charge souffreteux avec des à-coups terribles. Au moment où j’ai cru que le câble s’était rompu et qu’on allait s’écraser sur le béton du pas de tir, la porte s’est ouverte et le Russe nous a poussés vers la porte d’entrée de la fusée. En regardant en bas, j’ai vu le camion qui repartait avec le Hongrois qui n’avait pas pu se décider à monter avec nous. Ils allaient peut-être nous le requinquer avec de la vodka et nous l’envoyer à la prochaine fenêtre de tir.

Tous les trois, on est entrés dans le cockpit. Le Russe s’est installé au volant, enfin… aux commandes, a poussé quelques boutons et actionné quelques manettes, s’est engueulé avec un type dans la tour de contrôle, y a eu un décompte et à zéro, j’ai eu l’impression qu’un trente-huit tonnes m’écrasait la cage thoracique. Ça tremblait de partout, il me semble même avoir vu des boulons tomber du tableau de bord. Puis les moteurs se sont arrêtés. Le Russe a fait un grand sourire, a défait sa ceinture et a commencé à flotter dans l’habitacle. On était en apesanteur. L’ordinateur de bord commençait à calculer la trajectoire pour l’arrimage avec la station. À cause des vibrations, j’avais une terrible envie de filer aux toilettes. J’espère qu’elles sont propres, là-haut …

 Greg.

Atelier d'écriture du 18/12/2017

Animé par : ?
Inducteur : différents faits divers
« Il empaille son chat et le transforme en drone »
« Poignardé par sa compagne pour avoir oublié les bières »
« Perdu dans le désert, il survit en gobant des mouches »
« Des matons trouvent plusieurs objets dans le rectum d’un détenu »
« Il tue son beau-père en lui tirant le slip »
***
Le gros type en marcel gît dans une flaque rouge. On dirait un bibendum dégonflé. Tandis qu’un collègue prend la scène en photo, je m’approche de la femme aux cheveux filasse qui fume en tremblant une clope de tabac roulé. Elle a les yeux dans le vague, les traits tirés, sa veste de laine découvre une épaule.
Je m’assois dans le fauteuil à côté d’elle. Elle se passe la main dans les cheveux, n’a pas l’air de me voir. Elle se met à parler d’une voix rauque.
« Je sais pas ce qui s’est passé. Y rentrait des courses, je me souviens qu’il a dit : j’ai oublié la mousse. Et puis, je sais plus, j’ai zappé … Quand j’ai rouvert les yeux, il était là. Comprends pas. Faut réveiller les gosses ? »
– Ouais, va falloir les faire garder parce qu’il va falloir nous suivre au poste pour la déposition, je lui fais.
Mon collègue s’active autour du corps. Je tourne la tête pour m’assurer qu’il n’abîme pas la scène de crime. Avec des gants en latex, il prend le couteau de cuisine souillé de sang et le place délicatement dans un sachet en plastique. C’est presque joli. De l’art moderne, on dirait.
Pendant que mémère monte en traînant des pieds à l’étage pour réveiller les mômes, je regarde par la porte-fenêtre et je vois un chat immobile qui me regarde, énorme avec des yeux jaunes. J’ouvre la porte et m’approche. Le chat ne bouge pas d’un poil. Je vais pour le caresser, mais il y a quelque chose de bizarre.
« Merde, je fais. Qu’est-ce que c’est ?
À la lumière, je l’examine. Il a les quatre pattes écartées sur le côté. De son ventre sortent quatre tiges qui le soutiennent à dix centimètres du sol. De l’extrémité de chacune des pattes sort une petite hélice. Du beau boulot de taxidermie, avec un bricolage ingénieux de modéliste. Ce serait le cadeau de Noël idéal pour mon neveu, qui aime les animaux et les drones.
« Qu’est-ce qu’on fait des gosses ? me demande mon collègue.
Le cœur au bord les lèvres, il est impatient d’en finir.
« Dis à Galibier de les emmener chez les grands-parents. Voilà l’adresse.
Je lui donne un bout de papier où j’ai noté l’adresse des parents de la femme aux cheveux filasse.
Je regarde autour de moi dans le salon : écran plat dernier modèle, canettes de bière jonchant le sol, paquets de clopes froissés encombrent la table basse. Une odeur de moisi et de cendres froides flotte dans l’air.
« J’ai bien envie d’une pizza, dis-je à mon collègue qui renifle.
– Pourquoi pas ? Au fait, tu sais, le cousin de Galibier, qui est maton ? Il m’a raconté que l’autre jour, pendant une fouille au corps …
Et pendant que mon collègue m’énumère tout ce que les matons ont trouvé dans le rectum d’un détenu, passe dans ma tête une petite chanson absurde qui parler d’un gars qui tue son beau-père en lui tirant le slip, sur l’air d’un succès de Johnny.
Pourquoi, me demanderez-vous ? Allez savoir. C’est étrange, hein, l’esprit humain ? Une odeur de pizza chaude me fait saliver.
Greg.

Atelier d'écriture du 11/12/2017

Animé par : Philippe
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Un tire d'article de journal : Inventaire dans le magasin de demain
Proverbe japonais : La haine est une émotion aussi dangereuse que l'amour

La vitrine était immense, éclairée par des milliers de LED de toutes les couleurs. Des ours en peluche se dandinaient en chantant des mélodies mièvres de Noël. Un Santa Klaus en costume écarlate ourlé de blanc franchissait une montagne sur un traîneau tiré par des animaux plus vrais que nature. Des gamins bavaient devant, leurs mains poisseuses de sucre d’orge et de chocolat adhérant à la vitre comme des ventouses, les yeux exorbités, la mâchoire inférieure pendante. Les parents, derrière, dansaient d’un pied sur l’autre pour se réchauffer, impatients de rentrer à la maison, leur respiration matérialisée par un brouillard devant leur visage.
L’enseigne du magasin flottait au-dessus de nous, annonçant « Automates et Intelligence Artificielle – Impression 3D de tous vos cadeaux ». Ils en avaient parlé dans la revue « Inventaire ». L’article parlait d’une troisième révolution industrielle. « Dans le magasin de demain, disait l’auteur, vous pourrez concevoir tous vos objets et les imprimer immédiatement. Sur le Net, vous pourrez trouver les plans de robots à imprimer prêts à l’emploi. Chaque échoppe deviendra une usine, chaque client un concepteur, chaque vendeur un sous-traitant. »
Un hologramme surgit devant moi. Pouf ! Un vendeur portant une chemise blanche et un nœud papillon m’invite à entrer. C’est à ce moment-là que ça a commencé à déconner. L’enseigne s’est éteinte et a laissé apparaître un magnifique panneau bleu portant l’inscription : « Fatal Error – System must be rebooted. »
Certainement encore un coup des info-terroristes russes ! Les nounours gentils dans la vitrine se sont arrêtés, les LED ont clignoté puis se sont éteintes. La rue était dans l’obscurité. Puis soudain, le bruit d’un ordinateur qui redémarre, l’écran d’accueil de Fenêtres 3000 apparaît, avec le portrait d’un type à lunettes qui rit de manière diabolique. Les yeux des nounours se sont rallumés. Ils avaient un drôle d’air, tout d’un coup. Au lieu de chanter des chants de Noël prônant la paix et l’amour, ils se sont mis à répéter tous ensemble : « Kill ! Kill ! ». Les enfants se sont mis à hurler, les parents les ont entraînés dans la rue, les nounours ont fracassé la grande vitrine et se sont déversés sur le trottoir, suivis du Père Noël et de son traîneau. Moi, j’ai regardé ça d’un œil goguenard et pas du tout effrayé. J’ai envoyé balader une bonne dizaine d’oursons à coups de bottes. Mais les rennes de l’obèse en costume rouge ont foncé sur moi. J’ai juste eu le temps de me baisser. Au deuxième passage, j’ai attrapé les bois d’un des animaux et j’ai tiré de toutes mes forces. Le traîneau est retombé dans la vitrine et le Père Noël a fini dans le rayon des drones. Ça a fait des étincelles. Le petit bonhomme s’est quand même relevé, mais il s’est pris les pieds dans une guirlande et est tombé face contre terre. Définitivement, cette fois. Les nounours survivants couraient dans tous les sens en balbutiant « Kill ! Kill ! » de leur petite voix douce.
Je suis rentré chez moi, un peu fatigué. À la télé, un parterre de personnalités commentait l’actualité. Le clone de Jean d’Ormesson déclarait :
« Vous savez, la haine est une émotion aussi dangereuse que l’amour ! »
Greg.

Atelier d'écriture du 27/11/2017

Animé par : Greg
Inducteur :
« Ce n’est pas fini, les autres aimeront pour toi, les autres verront le ciel pour toi. »
Eugène Ionesco, Le Roi Se Meurt
« Ne vous curez pas le nez pendant que je parle, c’est répugnant. »
San-Antonio, Les Vacances de Bérurier
« Donc le poète est vraiment voleur de feu. »
Rimbaud, Poésies (1870-1871)
« Elle voit le fantôme léger de son amie se coller à chaque fenêtre du rez-de-chaussée. »
François Mauriac, Thérèse Desqueyroux
« Trois autres jours, et toujours pas de nouvelles. Attendre ainsi devient vraiment angoissant, terrible. »
Bram Stoker, Dracula
***
« Ne vous curez pas le nez pendant que je parle, c’est répugnant, me dit la grande bringue, tandis qu’elle brandit vers moi sa longue baguette avec laquelle elle frappe régulièrement son petit bureau.
Elle met ensuite son bâton sur l’épaule et marche de long en large sur l’estrade. Je fourre ma main dans la poche. Derrière moi, ça pouffe. Je me retourne. Derrière mon épaule, y a Fred qui me fait une grimace. L’institutrice sèche et dégingandée déblatère son cours comme à l’ordinaire, de manière monocorde. Ça roupille dans les rangs. Puis soudain : « Ouvrez vos livres à la page 99 ! ».
J’ai un moment de panique. Quel livre ?
Tout le monde a le sien, pas moi. Tout le monde feuillette le petit livre de poche et cherche la page 99. Je transpire. La baguette se pose sur mon bureau. « Encore oublié votre livre, Machin ? », elle me fait en approchant son visage buriné. Merde ! C’est quoi, cette manie de m’appeler Machin. C’est pas mon nom, moi mon nom, c’est … J’ai pas le temps de lui dire. Elle remonte sur son estrade et annonce « Machin, au tableau ! »
Je me lève en tremblant. Une fois sur l’estrade, devant le panneau vert kaki, elle me tend son exemplaire du livre et me dit sèchement : « Page 99, lisez la dernière phrase ! ». Je m’empare du bouquin avec mes doigts tout collants de sueur, cherche la page puis la phrase.
« Elle voit, elle … voit le fantôme léger de son amie ... »
La suite, elle la récite de mémoire, agacée.
« Se coller à chaque fenêtre du rez-de-chaussée »
À quelle figure de style avons-nous à faire ici ? Me demanda-t-elle avec ses petits yeux noirs de furet.
Je panique à nouveau. J’ouvre la bouche, mais il y a une sorte de charabia qui sort.
« C’est … c’est la figure de son amie qui... »
« De style ! Je parle de figure de style ! »
La baguette oscille devant moi. Parfois elle s’immobilise devant mon nez.
« Qui peut me le dire ? A part Bidule, bien sûr ! »
Bidule, qui avait levé le bras à s’en démettre l’épaule, repose sa main sur le bureau, dépité dans sa têt bien peignée de premier de la classe.
« C’est une … c’est une … Allez, je vous aide, ça se termine par « phore », concède l’instit.
« Madame, c’est trop fort, comme figure de style ! lance Trucmuche, qui pense sincèrement avoir trouvé.
La grande, là-haut, sur son estrade, soupire. Elle s’affaisse soudain, rétrécit pour faire presque une taille normale et dit, d’un ton fatigué :
« Bon, Bidule, dit la réponse !
« Une amphore, dit-il, fier de lui en se levant comme un seul homme.
L’instit s’assoit. Même le premier de la classe a flanché. C’est la déroute.
« C’est une métaphore, je m’exclame soudain, touché par la grâce.
C’est mon heure de victoire !
L’instit m’adouberait presque avec sa baguette. Pour un peu elle me nommerait Chevalier des Arts et des Lettres. Je suis son champion.
Ses yeux noirs s’agrandissent alors qu’elle me regarde.
Je suis son nouveau chouchou ! Bidule a été détrôné !
Ça sonne dans le couloir. Toute la classe se lève. Même Bidule court avec les autres.
Je reste pour nettoyer le tableau. Noblesse oblige !
Greg.

Atelier d'écriture du 30/10/2017

Animé par : Greg
Inducteur : mots tirés au sort dans le dictionnaire
Grivoiserie
Muraille
Déchaperonner
Fluorescence
Novice
Hélépole
****
Il était plus de minuit. Les hiboux avaient commencé à hululer dans la forêt toute proche. Je m’étais mis en retard, alors je suis rentré par les remparts, afin d’éviter les coupe-gorges, ces rues si étroites et si sombres infestées de malandrins de toutes sortes qui vous poignardent pour quelques sous. La lune, tout en haut, ne faisait guère d’efforts pour éclairer le pauvre monde dans les ténèbres. Le long du chemin, j’ai croisé quelques femmes de mauvaise vie qui faisaient des grivoiseries avec des bourgeois contre la muraille. Dans les coins, ça se frottait, ça gloussait, ça alpaguait le client à tout-va ! Des mains ont frôlé mes épaules, mon torse et je croyais percevoir parfois des visages de femmes édentés, aux cheveux ébouriffés, aux yeux ardents du désir d’argent. J’ai passé mon chemin comme j’ai pu. Je ne tenais pas, comme mon frère, à choper la syphilis et devenir fou puis m’éteindre à petit feu. Je comptais bien rester en vie quelque temps encore, alors j’ai joué des coudes. J’ai pataugé dans la boue pendant un bon moment. Le pavage des rues, ce n’était pas encore d’actualité. Après les remparts, j’ai bifurqué en direction du pont nouveau. Je ne voulais pas me faire gauler par une patrouille, alors j’ai longé les murs à colombages des maisons bourgeoises. Lorsque j’apercevais la lueur d’une torche, je m’immobilisais comme un chien à l’affût, jusqu’à ce que la tache de lumière disparaisse tout à fait. Les quais étaient déserts. Il commençait à faire froid. Les mendiants avaient dû se réfugier dans une grange ou à l’abbaye où les moines charitables offraient le gîte et le couvert aux miséreux. Ou alors ils rôdaient, cherchant des bourgeois attardés, pour améliorer leur ordinaire.
Lorsque je suis arrivé sur le parvis de la petite église, une chose me frappa. Il y avait là trois silhouettes qui faisaient les cent pas devant la porte principale. On aurait dit des prêtres ou des moines. Ils semblaient prononcer des paroles en latin. Je les ai salués et, lorsque j’ai voulu continuer mon chemin, l’un d’eux m’a agrippé le bras. Il y avait comme une sorte de fluorescence qui sortait de sa capuche. Il murmura des paroles que je ne compris pas. « Pardon ? » je lui ai fait, un peu effrayé. Il a repris son charabia. Mu par une impulsion soudaine, je l’ai déchaperonné. Un visage décharné dégoulinant de pourriture me regardait, hagard. Sur le sommet du crâne, je devinai la tonsure d’un novice. Il prononça ces mots : « L’hélépole n’a pas pu vaincre la Ville Sainte ! Le malheur est sur nous ! La peste reviendra ! ». Puis il partit d’un éclat de rire infernal, imité par ses deux compagnons qui s’étaient immobilisés. Ensuite, ils se sont évaporés en laissant derrière eux l’écho de leur rire sur le tympan de l’église et une vapeur blanche vaguement fluorescente …
Un froid glacial, plus intense que celui de l’hiver, me gela les entrailles. Je suis entré dans une taverne pour me réchauffer. Rien n’y a fait.
En rentrant à la maison, j’ai réveillé tout le monde et nous sommes partis de cette ville maudite. Je n’avais pas tout compris du discours des fantômes, mais j’avais clairement entendu le mot « peste » !
Une semaine plus tard, un navire rentrant des croisades arriva au port et déversait, outre sa cargaison de soldats épuisés, blessés et malades, une horde de rats noirs qui s’éparpillèrent dans les rues en poussant des cris aigus.
Greg.

mardi 27 février 2018

Atelier d'écriture du 23/10/2017

Animé par : Thérèse
Expressions tirées au sort :
"Connu comme le loup blanc"
"Retourner le fer dans la plaie"
***
Dans le quartier, il était connu comme le loup blanc. Il déclamait des poésies dans la rue, comme ça, pour le plaisir. On le prenait tous pour quelqu’un de dérangé, bien aimable mais un peu timbré. Il vous regardait toujours avec un sourire de comédien, cette espèce de sourire amusé de l’homme content de son effet. Il connaissait les regards en coin, les murmures désapprobateurs, mais il s’en fichait pas mal. Parfois même, il abordait les passants, leur demandait quelques pièces de monnaie. Lorsqu’il avait récolté quelques sous, il les dépensait en sandwichs et en bière et il disait « C’est e cachet du comédien ! » Puis il chantait « La Bohême » ou « L’Aigle Noir » sur le trottoir, devant les gens médusés. Lorsque quelqu’un lui disait « Vous avez du talent ! », il répondait « Alors engagez-moi, je sais tout faire, même danser ! » et il exécutait devant le flatteur quelques pas de valse ou de salsa. Il était tout le temps dans la rue et pourtant, il n’était pas SDF. Il louait un petit studio dans le quartier. « Un saltimbanque, c’est toujours au grand air ! » disait-il souvent. Il lui arrivait parfois de jongler avec des oranges ou des pommes au milieu de la rue. Lorsqu’une voiture arrivait, que le conducteur klaxonnait, il haussait les épaules et disait : « De toute façon, ce n’est pas bien de jouer avec la nourriture » et il allait au parc distribuer ces fruits aux sans-domicile qui zonaient là.
Lorsqu’on lui demandait s’il avait été acteur, il regardait son interlocuteur dans les yeux pendant quelques secondes avant de répliquer : « C’était dans une autre vie et puis faut pas retourner le fer dans la plaie ».
Toujours en costume, la chemise blanche un peu sale au col, la cravate desserrée, on le voyait souvent arpenter les rues au hasard, les mains dans les poches, disant bonjour au passants, regardant le ciel.
Une fois, il a passé la nuit au poste, parce qu’il divaguait tard le soir sans carte d’identité.
Il a lu aux flics à haute voix un exemplaire de « Claude Gueux » de Victor Hugo, qu’il avait dans la poche. En sortant, il leur a dit : « C’est une erreur judiciaire, mais je ne vous en veux pas ! » en faisant mine de retirer un chapeau imaginaire.
Un soir d’automne, sur un banc, il s’est assis, humant la fraîcheur du parc et admirant les arbres. Au petit matin, il était encore là, parfaitement immobile, le regard fixe, les lèvres à peine décolorées par le froid.
Des gamins l’ont trouvé. « ça va, m’sieur ? »
L’ambulance est arrivée. Des lumières bleues ont éclairé une dernière fois la scène. En guise de rideau une averse est tombée sur le décor du parc.
Greg.

mercredi 7 février 2018

Atelier d'écriture du 22/01/2018



Animé par : ?

Texte à partir de rimes imposées
Grise / église Gris / Pluie Mètres / tête
Blanche / grange Vert / Colère Char / Canard
Noire / armoire Bleu / Mieux Français / javanais
Jaune / Chaume Blanc / Content
***
Aujourd’hui, le ciel est gris
C’est un temps à la pluie
En l’absence de ciel bleu
Je fais de mon mieux
Hier, parti au vert
Pour exprimer ma colère
Aujourd’hui plutôt content
Avec mon verre de blanc
Bébert est à moins d’un mètre
Il fait une drôle de tête
C’est un bon français
Pas un de ces javanais
Tous les jours au volant de son char
Même en plein cagnard il fait peur aux canards
Tous les dimanches, il va à l’église
Pour prier et utiliser ces cellules grises
L’enfer, il en a une peur noire
Ne pas mourir sous une armoire
Lui, il tourne au p'tit jaune
Avant de regagner son toit de chaume
Parfois, il dort dans la grange
Pour que sa femme ne fasse pas nuit blanche
On est pote depuis qu’on est tout p'tit
Bébert et moi, amis pour la vie.

Inspiration d’image sur une carte postale

Dans ma rue, c’est l’enfer
Parfois le monde marche à l’envers
Y a Paulo et Robert
Tous deux adossés au réverbère
Y a la mamie Jackotte
Qui revient du marché chargée de carottes
Y aussi tous mes potes
Qui fument ou qui crapotent
Dans ma rue, c’est l’euphorie
Tellement de monde c’est plein de vie
Des enfants qui jouent et qui rient
Des vieux et des prêtres qui prient
Dans ma rue, tous les jours
Les voisins se disent bonjour
Y a ceux qui courent qui sont à la bourre
Y a ceux qui trainent qui zonent dans la cours
Dans ma rue, quand vient la nuit
Certains peuvent se faire du souci
Car pour se mettre en appétit
Les dealers sont là aussi
Le business sous terrain
Bat son plein
Les petites filles sont dans leur bain
La candeur fait place au vilain
Le jour, les mères de famille vont au parc
La nuit, les gangsters font trembler le tarmac
Le jour, les amoureux se font des smacs
La nuit, certains vident leur sac
Dans ma rue, c’est une micro société
Il y a des jeunes et des vieux agacés
Il y a des vieux et des jeunes enchantés
Dans ma rue, c’est en travaux
Circuler devenir difficile pour aller au bistro
Même si certains vont au boulot
Moi, je préfère jouer au tarot
Je vais au bar du coin voir les copains
Le midi, on casse une graine avec un bout d’pain
Le soir, on traine un peu et on se dit « à demain »
Dans ma rue, parfois c’est la pagaille
Les paysans en colère y jettent leur paille
De nombreux cyclistes déraillent
Des gens qui crient : « mais qu’ils s’en aillent ! »
Dans ma rue, il y a tout ce qu’il faut
Pour se sentir bien et être au chaud
Toujours vivre ici avant d’aller là-haut
C’est ce que je souhaite, c’est mon crédo
Même si la vie ne fait pas de cadeau
Je sais bien que tout ne tourne pas rond dans mon ciboulot
Mais ici au moins je m’y sens bien et j’trouve ça beau
De côtoyer tout ce monde c’est rigolo
Ça me change de l’hosto
Dans ma rue, aujourd’hui c’est l’hiver
J’ai enfilé mon pull à l’envers
Et je me resserre verre
Je n’ai plus beaucoup de repères
J’écris, je pleure, je me désaltère
Je n’ai plus ni père, ni mère
Je voudrais voler dans les airs
Et qu’enfin on me libère
De cette maladie qui me ruine
De ce mal qui m’assassine
Je n’ai plus de copine
Ni d’aspirine
Ce mal me ronge
Je n’ai pas passé l’éponge
Sur mon passé, sur mon histoire
Alors de ma fenêtre je scrute le trottoir
J’ai la tête comme une passoire
Il est temps de vous dire Au revoir.
Virginie.
Virginie.