mardi 27 février 2018

Atelier d'écriture du 23/10/2017

Animé par : Thérèse
Expressions tirées au sort :
"Connu comme le loup blanc"
"Retourner le fer dans la plaie"
***
Dans le quartier, il était connu comme le loup blanc. Il déclamait des poésies dans la rue, comme ça, pour le plaisir. On le prenait tous pour quelqu’un de dérangé, bien aimable mais un peu timbré. Il vous regardait toujours avec un sourire de comédien, cette espèce de sourire amusé de l’homme content de son effet. Il connaissait les regards en coin, les murmures désapprobateurs, mais il s’en fichait pas mal. Parfois même, il abordait les passants, leur demandait quelques pièces de monnaie. Lorsqu’il avait récolté quelques sous, il les dépensait en sandwichs et en bière et il disait « C’est e cachet du comédien ! » Puis il chantait « La Bohême » ou « L’Aigle Noir » sur le trottoir, devant les gens médusés. Lorsque quelqu’un lui disait « Vous avez du talent ! », il répondait « Alors engagez-moi, je sais tout faire, même danser ! » et il exécutait devant le flatteur quelques pas de valse ou de salsa. Il était tout le temps dans la rue et pourtant, il n’était pas SDF. Il louait un petit studio dans le quartier. « Un saltimbanque, c’est toujours au grand air ! » disait-il souvent. Il lui arrivait parfois de jongler avec des oranges ou des pommes au milieu de la rue. Lorsqu’une voiture arrivait, que le conducteur klaxonnait, il haussait les épaules et disait : « De toute façon, ce n’est pas bien de jouer avec la nourriture » et il allait au parc distribuer ces fruits aux sans-domicile qui zonaient là.
Lorsqu’on lui demandait s’il avait été acteur, il regardait son interlocuteur dans les yeux pendant quelques secondes avant de répliquer : « C’était dans une autre vie et puis faut pas retourner le fer dans la plaie ».
Toujours en costume, la chemise blanche un peu sale au col, la cravate desserrée, on le voyait souvent arpenter les rues au hasard, les mains dans les poches, disant bonjour au passants, regardant le ciel.
Une fois, il a passé la nuit au poste, parce qu’il divaguait tard le soir sans carte d’identité.
Il a lu aux flics à haute voix un exemplaire de « Claude Gueux » de Victor Hugo, qu’il avait dans la poche. En sortant, il leur a dit : « C’est une erreur judiciaire, mais je ne vous en veux pas ! » en faisant mine de retirer un chapeau imaginaire.
Un soir d’automne, sur un banc, il s’est assis, humant la fraîcheur du parc et admirant les arbres. Au petit matin, il était encore là, parfaitement immobile, le regard fixe, les lèvres à peine décolorées par le froid.
Des gamins l’ont trouvé. « ça va, m’sieur ? »
L’ambulance est arrivée. Des lumières bleues ont éclairé une dernière fois la scène. En guise de rideau une averse est tombée sur le décor du parc.
Greg.

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