mardi 25 avril 2017

Atelier d'écriture du 24/04/2017 - 18h15

Animé par: Carole
Mettez-vous à sa place, racontez l'histoire d'un parapluie qui a été oublié
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Lors du dernier atelier d’écriture, j’attendais sagement, suspendu à une étagère, tout à côté de la grande table où les cerveaux et les stylos se dégourdissaient allègrement. C’était la première fois qu’elle m’emmenait avec elle, au Remue-Méninges.
Je me tenais à carreau, le silence glissait sur moi, j’étais intimidé par les hommes et les femmes silencieux qui laissaient courir leur imagination sur papier.
Le moment que j’ai préféré, ce fut la lecture, c’était des histoires de centenaires affublés d’animaux bizarres, c’était très drôle, varié, je me suis bien amusé.
Je me suis laissé distraire, je me suis fait des films avec tous ces personnages cocasses. Je me suis mis à rêver, à somnoler et un gros bruit une table cognée, déplacée… je suis revenu à moi, à l’instant, accroché à mon étagère… et le silence.
Plus grand monde, moins de lumière. Mais où est-elle ?
Hein ?… NON ! Partie sans moi !!! Non ! Pas possible !!! Je me sens mal, je vacille, mais pourquoi ne suis-je pas tombé ? Le choc lui aurait rappelé ma présence !
Je frissonne, je tremble. Je suis tout enfermé, bien replié. Mes rouge-gorge ricanent, ils sifflotent, sautillent, pas moyen de bouger, moi !
Abandonné ! Toute la nuit, je lançais de S.O.S. Elle est forte en télépathie, ma maîtresse, elle finirait bien par m’entendre.
Le lendemain matin, Audrey arrive, j’ai vu qu’elles parlaient ensemble toutes les deux hier soir, peut-être qu’elle va me sauver, me protéger, appeler mon ingrate propriétaire ?
Non, elle dit : « tiens, c’est à qui ? » et me place à l’entrée, dans le porte-parapluie. Je dépasse fièrement. Je suis le plus grand, le plus beau, cela me console un peu.
Dans la matinée, la pensée de ma maîtresse me rejoint, ça y est ! Elle se dit « zut, j’ai oublié R.G. (Rouge-Gorge) au R.M. (Remue-Méninges). Bah, je le récupérerai la prochaine fois »
Quoi, la prochaine fois ? mais c’est quand ?
J’ai tempêté, appelé la main, le regard de l’une, de l’autre passager au café associatif.
J’ai appelé la pluie, à fond. Je suis épuisé, ça fait 15 jours que je suis là, personne ne m’a vu, personne ne me veut !
Abandonné au maximum. Oublié. Inexistant. Effondré. Fantôme de moi-même.
Ce soleil, en plus ! De la provocation !
Oh, il y a une table qui s’installe, des femmes sortent leur papier, leur crayon.
Oh, la voilà ! Misère, elle ne m’a pas vu !
Elle dit bonjour, commande un thé et lance « ah, j’ai oublié mon parapluie la dernière fois ». le barman : « je ne sais pas, je vais regarder »… et tout à coup, la voix joyeuse, elle dit « AHHHHH, il est là ! ». Elle m’attrape et me glisse derrière elle pour ne pas m’oublier.
OOOOOOOOOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFF !
PS – EN VRAI !!!
J’ai vraiment oublié mon parapluie à l’atelier précédent et il porte vraiment des rouges-gorges… et je ne l’ai pas oublié cette fois !
Annie Destombes

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Youhou ! Y a quelqu'un ? Il fait tout noir ici ! Puis, je suis tout mouillé, tout froissé, coincé dans un tube métallique avec des bâtons en fer. Oh hé !!! Hey ! C'est pas vrai ?! Pas encore ! Ils sont tous partis les gens ? Y a plus de lumière ! Mais j'ai peur du noir, moi ! Tu ne peux pas m'avoir oublié ! Je suis tout petit, tout mignon, pliable, rétractable, coloré avec mes jolis petits pois multicolores sur fond crème. Hey ! C'est moi, ton parapluie de poche !
Tu m'as encore laissé au fond du seau, à l'entrée du bar ? Dis moi que ce n'est pas vrai ! Sérieux ?  Alors, tu ne vas pas me faire le coup à chaque fois ? Si ?
C'est-à-dire : tu te sers de moi pour rester au sec pendant tes trajets, travail-bar ou domicile bar, quand il pleut des cordes. Tu me poses à l'entrée et tu me laisses poireauter là, dans le froid, dans l'humidité. Toi, tu passes du bon temps avec tes amis, accoudée au comptoir, à boire des bières et à refaire le monde pendant des heures. Et puis, au moment de partir, la pluie s'est arrêtée et tu repars….sans moi ! Ouin ! C'est trop injuste ! Quelle ingratitude ! Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
J'en ai assez ! Je vais encore passer la nuit ici, seul, fermé, fripé, alors que j'aurais tant aimé rentrer avec toi ; que tu m'ouvres en bien grand dans ton salon pour me faire sécher. Nous aurions, tous les deux, écouté toutes ces douces mélodies que tu mets le soir.
Je n'ai vraiment pas de chance. Tous les autres comparses sont tous partis avec leur propriétaire, eux ! Il y a eu le grand vert, très ample, qui prenait toute la place et qui m'a poussé tout au fond du trou. Il y a eu, le petit noir au manche rétractable et coudé. Il y a eu le petit rose avec des cœurs de cette fillette de 5 ans : c'est mon préféré. Tout le monde est reparti sauf moi !
Je vais me venger. Un jour, je vais sortir une mes baleines, comme ça à l'improviste et paf ! Dans l'œil ! Et vlan ! Ou bien, je vais m'envoler et me faire la malle un jour de grand vent et me laisser porter, emporter là où le vent décidera. Ou encore, je pourrais faire celui qui ne peut plus se refermer ou qui ne peut plus s'ouvrir. Mais pour cela, il faudrait que tu reviennes me chercher. Pour cela, il faudrait déjà que tu te rappelles que tu m'as oublié et où tu m'as laissé. Mômaaannnnn ! Ouin ouin …
Où es-tu môman ? Ah, si seulement j'étais ta brosse à dents ! Tu te servirai de moi tous les jours, jusqu'à 3 fois par jour. Tu m'emmènerai en voyage. Aahhh !!! Ah, si j'étais une de tes clefs, je serai tout le temps avec toi, dans une de tes poches ou dans ton sac à main. Mais non, je ne suis que ton parapluie. Snif ! Dans une prochaine vie, dis, on pourra échanger nos rôles ? T'es ok ? Et là, tu vas comprendre ma douleur ! Niac ! Niac ! Niac ! 
Virginie.


jeudi 13 avril 2017

Atelier d'écriture du 10/04/2017 - 18h15


Animé par : Nelly
Imaginez-vous à cent ans avec un animal de compagnie insolite.
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Aujourd'hui, c'est mon anniversaire. Je souffle mes 100 printemps. Ça fait bien longtemps que j'ai perdu toutes mes dents, bon nombre des membres de ma famille et de mon cercle amical. Tous sont partis dormir au firmament.


J'ai relu pour la énième fois, le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson. Quelle vie va-t-il eu ! La mienne est beaucoup moins rocambolesque, juste un petit peu plus classique. Elle ressemble à celle du personnage décrit dans la chanson la centenaire de Linda Lemay. 7ème enfant d'une fratrie de 12 dans le sud de la France. J'étais lavandière. Je me suis mariée très jeune. J'ai eu 8 beaux enfants. Je suis devenue grand-mère puis arrière-grand-mère. Tout ce petit monde est, aujourd'hui, soit six pieds sous terre, soit à l'autre bout de la terre. Ah ! la vie d'expat', c'est formidable parait-il ? Je reçois des courriers de temps en temps de mes arrières petits-enfants. Je les lis silencieusement au coin du feu, avec, sur mes genoux, mon kiki.


Kiki, 12ème du nom. C'est ma petite boule de poils. Ce n'est pas très résistant comme bestiole : une espérance de vie de 5 à 7 ans. Mais, c'est très attachant. C'est un croisement entre un chien angora et une plante verte du désert marocain. Mon kiki a les yeux couleur menthe à l'eau, le poil long et brillant et des oreilles éléphantesques. Son cri est fluet. Il ne pèse pas lourd mon kiki, à peine un kg. Il est tout rikiki mon kiki ! Mon kiki est hermaphrodite. Il est très fidèle. Il me suit partout dans mon logis où je vis en colocation avec des jeunes retraités de 70 à 80 ans. Ensemble, on se fait des soupes parties et des soirées purées de légumes à gogo. C'est plus facile à manger et en plus, on peut oublier de mettre nos dentiers. ;-) Et puis mon kiki, il aime bien lécher les fonds de plats. Il léchouille pendant des heures nos fonds de soupières.


Le temps passe inexorablement. Il semble que la mort m'a oubliée. Combien de kiki vais-je encore connaître ? On me parle souvent de Jeanne Calment qui a vécu 120 ans. Putain ! Encore 20 ans à trainer cette vieille carcasse ! Je tue le temps comme je peux entre les émissions de radio à tue-tête : ah oui je suis devenue dure de la feuille ; la lecture des journaux : ce qui peut prendre pas mal de temps car pour cela je dois mettre la main sur mes lunettes. Avec mes colocataires, ce n'est pas gagné. On se fait souvent des farces entre coloc', on se cache des objets. Ça pimente le quotidien. La dernière fois, mes lunettes ont fini dans le tambour de la machine à laver, programme à 90°, essorage 900 tours minute. Je vous laisse imaginer la suite.  On passe des heures à jouer aux cartes, aux scrabbles ; à écrire ; à raconter nos vieilles histoires que nous connaissons désormais tous par cœur…depuis le temps que nous cohabitons.


J'ai décidé de raconter ma vie dans un livre. A force de ressasser nos vieux souvenirs à mes coloc', je me suis dit que j'allais coucher sur papier toutes nos histoires. Peut-être cela intéressera-t-il quelqu'un, qui sait ? C'est que j'en ai vu des choses en 100 ans de vie et la vie a bien changée, évoluée depuis ma plus tendre enfance. Je me prends à rêver d'édition, de fête du livre, de dédicaces, d'interviews…Ça me donne le sourire (sans dent). Mon kiki est du même avis. De toute façon, il n'a pas trop le choix car c'est moi qui lui prête des intentions, des émotions, des attitudes en fonction de mes envies et des humeurs. Je l'aime bien mon kiki. C'est peut-être mon seul vrai Ami. Cent ans d'une vie, à votre avis, ça fera combien de pages ? Aurai-je un prix littéraire ? Allez, dîtes-moi oui !
Bon, je vous laisse, j'ai le roman de ma vie qui m'attend ! 
Virginie.
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Gros-Bec frappe à la porte. Il est déjà de retour, traînant derrière lui, dans un chariot à suspension magnétique, les provisions que je lui ai demandé d’acheter au supermarché coopératif installé sur le boulevard. J’y serais bien allé moi-même, mais j’attends encore ma paire de jambes cybernétiques que ma mutuelle avait promis de m’envoyer la semaine dernière. Il fait déjà nuit et les restrictions d’électricité décidées par le gouvernement afin de réduire les déficits énergétiques sont entrées en vigueur depuis deux mois. Heureusement que j’ai pu m’équiper d’implants oculaires infrarouge achetés à bas prix sur le Net. La batterie de mon fauteuil n’est pas loin de rendre l’âme, mais il me transporte tant bien que mal jusqu’à la porte d’entrée. La porte coulisse et Gros-Bec me salue de ses petites ailes atrophiées. C’est une petite autruche génétiquement modifiée pour répondre aux normes européennes réglementant la taille et l’intelligence des animaux de compagnie. Je débarrasse mon gros oiseau du harnais le reliant au chariot et il me remercie de son œil noir globuleux, avec un hochement de tête. Je le grattouille sous le bec. Il adore ça. Puis je lui présente une petite assiette de graines de courge qu’il avale goulûment. Je lui sers une ration d’eau supplémentaire après avoir vérifié que le stock serait suffisant jusqu’à la prochaine distribution municipale par camion-citerne. Heureusement, il m’en reste suffisamment pour finir la semaine.
Je m’endors ensuite sur mon fauteuil, après un énième visionnage du 25e épisode de Star Wars que je n’ai toujours pas compris. C’est qui, Dark Vador, déjà ? Je croyais que la princesse Leïa était mariée avec Han Solo, mais ils ont divorcé et Leïa s’est mise en couple avec Chubaka, la créature poilue. Ça va trop vite pour moi. Gros-Bec étaient tous les appareils de l’appartement pour économiser les batteries fournies gratuitement aux retraités par EDM (Électricité du Monde). Eh oui, parce que je suis un jeune retraité depuis quelques mois. Avec les nouvelles lois, je n’ai pas pu arrêter de travailler avant cent ans révolus. Tout ça à cause des mesures d’austérité mises en place par le Président de la Terre, Ronald Trompe, un éléphant modifié spécialement pour faire de la politique. Il me fait marrer, celui-là, avec ses cheveux jaunes et ses projets de muraille pour lutter contre l’immigration des martiens qui viennent abuser des terriennes et prendre le travail des honnêtes terriens. En plus, sa trompe est minuscule et ses oreilles sont tellement larges qu’elles cachent son visage lorsqu’il les bouge très fort.
Gros-Bec me réveille vers huit heures du matin, par des petits coups de bec sur la joue. Devant moi, la table est mise. Au menu, croquettes aux algues et fricassée de sauterelles aux petits oignons. Miam ! Quand je pense que dans ma jeunesse, on se régalait d’un morceau de viande de vache et de légumes poussant dans la terre. Aujourd’hui, la terre est épuisée, que voulez-vous. Il ne nous reste que des étendues agricoles sous serres et d’immenses fermes où on cultive des algues et où on élève des insectes. Et le climat, je ne vous raconte pas ! La semaine dernière, une tempête de sable s’est levée et il a fallu déblayer la place de l’Hôtel de Ville et les immeubles autour à la pelle mécanique. De ma fenêtre, je vois les palmiers du Parc de Montaud. Si les paysans bio se débrouillent bien, on aura peut-être des noix de coco, l’hiver prochain.
Greg.
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