Animé
par: Carole
Mettez-vous
à sa place, racontez l'histoire d'un parapluie qui a été oublié
***
Lors
du dernier atelier d’écriture, j’attendais sagement, suspendu à
une étagère, tout à côté de la grande table où les cerveaux et
les stylos se dégourdissaient allègrement. C’était la première
fois qu’elle m’emmenait avec elle, au Remue-Méninges.
Je
me tenais à carreau, le silence glissait sur moi, j’étais
intimidé par les hommes et les femmes silencieux qui laissaient
courir leur imagination sur papier.
Le
moment que j’ai préféré, ce fut la lecture, c’était des
histoires de centenaires affublés d’animaux bizarres, c’était
très drôle, varié, je me suis bien amusé.
Je
me suis laissé distraire, je me suis fait des films avec tous ces
personnages cocasses. Je me suis mis à rêver, à somnoler et un
gros bruit une table cognée, déplacée… je suis revenu à moi, à
l’instant, accroché à mon étagère… et le silence.
Plus
grand monde, moins de lumière. Mais où est-elle ?
Hein ?…
NON ! Partie sans moi !!! Non ! Pas possible !!!
Je me sens mal, je vacille, mais pourquoi ne suis-je pas tombé ?
Le choc lui aurait rappelé ma présence !
Je
frissonne, je tremble. Je suis tout enfermé, bien replié. Mes
rouge-gorge ricanent, ils sifflotent, sautillent, pas moyen de
bouger, moi !
Abandonné !
Toute la nuit, je lançais de S.O.S. Elle est forte en télépathie,
ma maîtresse, elle finirait bien par m’entendre.
Le
lendemain matin, Audrey arrive, j’ai vu qu’elles parlaient
ensemble toutes les deux hier soir, peut-être qu’elle va me
sauver, me protéger, appeler mon ingrate propriétaire ?
Non,
elle dit : « tiens, c’est à qui ? » et me
place à l’entrée, dans le porte-parapluie. Je dépasse fièrement.
Je suis le plus grand, le plus beau, cela me console un peu.
Dans
la matinée, la pensée de ma maîtresse me rejoint, ça y est !
Elle se dit « zut, j’ai oublié R.G. (Rouge-Gorge) au R.M.
(Remue-Méninges). Bah, je le récupérerai la prochaine fois »
Quoi,
la prochaine fois ? mais c’est quand ?
J’ai
tempêté, appelé la main, le regard de l’une, de l’autre
passager au café associatif.
J’ai
appelé la pluie, à fond. Je suis épuisé, ça fait 15 jours que je
suis là, personne ne m’a vu, personne ne me veut !
Abandonné
au maximum. Oublié. Inexistant. Effondré. Fantôme de moi-même.
Ce
soleil, en plus ! De la provocation !
Oh,
il y a une table qui s’installe, des femmes sortent leur papier,
leur crayon.
Oh,
la voilà ! Misère, elle ne m’a pas vu !
Elle
dit bonjour, commande un thé et lance « ah, j’ai oublié mon
parapluie la dernière fois ». le barman : « je ne
sais pas, je vais regarder »… et tout à coup, la voix
joyeuse, elle dit « AHHHHH, il est là ! ». Elle
m’attrape et me glisse derrière elle pour ne pas m’oublier.
OOOOOOOOOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFF !
PS
– EN VRAI !!!
J’ai
vraiment oublié mon parapluie à l’atelier précédent et il porte
vraiment des rouges-gorges… et je ne l’ai pas oublié cette
fois !
Annie
Destombes
***
Youhou ! Y a quelqu'un ? Il fait tout noir ici !
Puis, je suis tout mouillé, tout froissé, coincé dans un tube métallique
avec des bâtons en fer. Oh hé !!! Hey ! C'est pas vrai ?! Pas encore !
Ils sont tous partis les gens ? Y a plus de lumière ! Mais j'ai peur du
noir,
moi ! Tu ne peux pas m'avoir oublié ! Je suis tout petit, tout mignon,
pliable, rétractable, coloré avec mes jolis petits pois multicolores sur
fond crème. Hey ! C'est moi, ton parapluie de poche !
Tu
m'as encore laissé au fond du seau, à l'entrée du bar ? Dis moi que ce
n'est pas vrai ! Sérieux ? Alors, tu ne vas pas me faire le coup à
chaque fois ? Si ?
C'est-à-dire : tu te sers de moi pour rester au sec pendant tes trajets, travail-bar ou domicile bar,
quand il pleut des cordes. Tu me poses à l'entrée et tu me laisses
poireauter là, dans le froid, dans l'humidité. Toi, tu passes du bon
temps avec tes amis, accoudée
au comptoir, à boire des bières et à refaire le monde pendant des
heures. Et puis, au moment de partir, la pluie s'est arrêtée et tu
repars….sans moi ! Ouin ! C'est trop injuste ! Quelle ingratitude ! Ô
rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vécu que
pour cette infamie ?
J'en
ai assez ! Je vais encore passer la nuit ici, seul, fermé, fripé, alors
que j'aurais tant aimé rentrer avec toi ; que tu m'ouvres en bien grand
dans ton salon pour me faire sécher. Nous aurions, tous les deux,
écouté toutes ces douces mélodies que tu mets le soir.
Je
n'ai vraiment pas de chance. Tous les autres comparses sont tous partis
avec leur propriétaire, eux ! Il y a eu le grand vert, très ample, qui
prenait toute la place et qui m'a poussé tout au fond du trou. Il y a
eu, le petit noir au manche rétractable et coudé. Il y a eu le petit
rose avec des cœurs de cette fillette de 5 ans : c'est mon préféré. Tout
le monde est reparti sauf moi !
Je
vais me venger. Un jour, je vais sortir une mes baleines, comme ça à
l'improviste et paf ! Dans l'œil ! Et vlan ! Ou bien, je vais m'envoler
et me faire la malle un jour de grand vent et me laisser porter,
emporter là où le vent décidera. Ou encore, je pourrais faire celui qui ne peut plus se refermer ou qui ne peut
plus s'ouvrir. Mais pour cela, il faudrait que tu reviennes me
chercher. Pour cela, il faudrait déjà que tu te rappelles que tu m'as
oublié et où tu m'as laissé. Mômaaannnnn ! Ouin ouin …
Où
es-tu môman ? Ah, si seulement j'étais ta brosse à dents ! Tu te
servirai de moi tous les jours, jusqu'à 3 fois par jour. Tu m'emmènerai
en voyage. Aahhh !!! Ah, si j'étais une de tes clefs, je serai tout le
temps avec toi, dans une de tes poches ou dans ton sac à main. Mais non,
je ne suis que ton parapluie. Snif ! Dans une prochaine vie, dis, on
pourra échanger nos rôles ? T'es ok ? Et là, tu vas comprendre ma
douleur ! Niac ! Niac ! Niac !
Virginie.
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