Souvenirs
ou les légendes du Remue-Méninges.
Inventez
des histoires concernant les meubles du Remue-Méninges
***
Le soleil se couchait sur la
ville. Nous marchions depuis des heures sous le cagnard infernal de
ce mois d'octobre (hé oui, ma bonne dame, y a plus de saisons !).
Joe marchait en tête, son bâton faisait "toc, toc" sur
l'asphalte qui cuisait.
« C'est encore loin ? »
gémit quelqu'un derrière.
« On est fatigués »
grogna quelqu'un d'autre.
« Avancez »
gueula Joe, qui s'était arrêté à contrecœur.
Je me suis approché de celui
qui s'était improvisé chef de notre petite troupe et je lui ai
demandé :
« Tu es bien sûr qu'il
existe ? Après tout, ce n'est peut-être qu'une légende ? »
Il me regarda fixement avec
un air désappointé puis me déclara :
« Homme de peu de foi,
il faut croire aux légendes : plus elles sont belles, plus elles
sont réelles. Cherche en toi la force, jeune Padawan ! »
Ne relevant pas l'allusion
cinématographique, je grommelai quelques excuses foireuses, regardai
mes chaussures et notre petit groupe s'ébranla à nouveau vers sa
destination finale, suant à grosses gouttes malgré l'hiver qui
approchait (putain de réchauffement climatique!).
A chaque croisement, Joe
s'arrêtait et fermait les yeux, comme cherchant une inspiration, un
signe. Nous le regardions avec respect. Il était notre guide, le
dépositaire de nos espoirs. Autour de nous, les immeubles perdaient
leur contraste, le ciel tendait vers le bleu marine et quelques
étoiles s'efforçaient de nous lancer leurs signaux vacillants,
telles des balises. On n'entendait que le bruit de quelques voitures,
celui de nos pas de plus en plus lourds sur le trottoir et le murmure
des gens qui s'attardaient aux terrasses des bars. Une odeur d'herbes
sèches vint nous titiller les narines. Nous sortions de l'étouffante
étreinte de la ville. La pente s'accentuait et nous devions tendre
plus fortement les muscles de nos mollets, nos soufflés
désynchronisés cadençaient notre marche vers l'inconnu, le but de
notre quête. De petits animaux filaient dans les ronces à notre
approche et des papillons nocturnes voletaient fébrilement autour de
nous. Et soudain, dans l'air tremblant de la nuit, au détour d'un
virage, nous la vîmes. C'était une lueur électrique dessinant le
contour d'une fenêtre d'une petite maison de pierre au bord de la
route. Joe cessa de marcher, comme interdit. Nous l'imitâmes,
fascinés par le spectacle de cette maison hors du temps.
« C'est ici ? »
finis-je par articuler après plusieurs secondes de silence suspendu.
« C'est ici. »
répondit Joe d'une voix sans timbre.
Il s'avança vers la porte et
frappa trois coups brefs.
« Qui est-ce ? »
demanda une voix inquiétante à l'intérieur.
« Nous venons pour … »
dit Joe
Alors la porte s'ouvrit et
des mains passèrent le seuil, tenant un tabouret de bar à l'assise
jaune en matière plastique moulée.
Joe s'empara du siège,
remercia et salua la personne mystérieuse.
La redescente fut joyeuse,
notre fatigue s'était évaporée. Un petit vent du nord s'était
levé, emmenant avec lui tous nos soucis, nos peurs, nos lassitudes.
Demain, il allait peut-être
enfin faire un temps d'octobre (hé oui, ma bonne dame, on en sait
jamais !)
Nous n'avons jamais revu Joe.
Sans doute est-il encore en train de parcourir le monde, à la
recherche d'autres meubles légendaires...
Greg
***
Parmi
tous les objets du Remue Méninges, choisissez-en un (hors
expositions temporaires), et imaginez son histoire, d'où il vient,
comment est-il arrivé ici, que voit-il, que ressent-il, faites-le
parler ou faites-en un conte ou une légende, ou... ce qui vous
inspire.
A
vous je vais le dire : je suis une célébrité, enfin...
j'étais.
Mais
maintenant je suis bien cachée sous ma toile cirée à pois,
tranquille, la belle vie !
Vous
ne me croyez pas ? Vous avez tort !
Allez,
je sens votre impatience, j'ai piqué votre curiosité, alors... je
vais vous dire d'où je viens.
Connue
j'étais, j'vous dis ! Vous avez bien entendu parler, il y a....
oh... vingt ans à peu près ? LOFT STORY ! Mais si !
Ces quelques inconnus d'un coup bombardés en pleine lumière, des
centaines de milliers de téléspectateurs, des fans, des votes... Eh
bien, j'en étais ! Eh oui, la table de la cuisine, c'était
moi !
Avec
mes copines du magasin, on avait passé le casting. Tous les
décorateurs étaient là, ils ont tourné, nous ont regardées, ils
ont pris nos mensurations, se sont assurés de notre stabilité... et
j'ai été choisie ! Quelle fierté ! Embarquée dans cette
aventure qui faisait fureur à l'époque. Ah ! J'ai aimé la
chaleur des spots, le ronron des caméras... Et ces petits jeunes qui
s'épanchaient en vraies et fausses confidences sur mon plateau. Les
cris, les rires, le suspense du vendredi soir (ou de samedi, je ne
sais plus), les larmes et les déceptions, les vraies émotions et
celles bien scénarisées... j'adorais !
Et
puis, ils ont voulu remettre çà. La saison II, la III, et puis
« Secret Story ». A chaque nouvelle aventure, la prod' me
passait au relooking. Moi aussi j'avais droit à mes séances de
maquillage !
Mais
bon, si j'avais trouvé ça marrant au début, si j'étais fière de
passer à la télé, au bout de quelques années j'en ai eu marre.
Plein les pieds ! Ras le plateau ! J'ai commencé à
trouver que tout était « trop » : trop de bruit,
trop de cris, trop d'artifices, trop d'insultes... et je me suis
trouvée trop nulle ! Le burn-out quoi !
Alors,
j'ai profité d'une finale, lorsque tout a été éteint, pour
demander très gentiment à un technicien de m'échanger, ni vu ni
connu, avec une petite jeune qui révait de gloire, et ils ont
continué sans moi.
Pendant
quelques temps, j'ai vécu planquée au fond d'un garde-meubles
peinarde. J'étais à la retraite en quelque sorte. Mais, le
garde-meubles après la vie trépidante des studios, le contraste
était un peu raide, et je m'ennuyais sérieusement.
Quelques
mois après le début de ma retraite, le technicien a ouvert la porte
du garde-meubles et m'a embarquée dans un camion. J'ignorais où je
partais. J'étais un peu anxieuse... Normal, quand on ne sait pas ce
qui va se passer. Est-ce que pour moi ça allait être la fin du
voyage ? Démontée, broyée, brûlée peut-être ? Oh,
recyclée, s'il vous plait, recyclée...
Et
puis, après quelques heures de route, me voilà dans cet endroit.
Plutôt cool ma foi ! Il y a de la vie, juste ce qu'il faut. Les
soirs de concert, le bruit, les lumières, les applaudissements, ça
me rappelle mon jeune temps...
Mais
je reste bien cachée sous ma toile cirée à pois, parce que j'ai
entendu dire que la prod' n'avait pas apprécié ma désertion, et
ils me rechercheraient toujours... Je ne sais pas si c'est vrai, et
il y a sans doute prescription, en plus ! Mais... on ne sait
jamais... et moi, je veux rester au Remue le plus longtemps
possible !
Laurence
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