1er
inducteur :
Écrire
une liste de « Choses qui… » à la
manière de Sei Shonagon, poétesse et dame de cour japonaise
(11e siècle), dont l’ouvrage « Notes de chevet »
est une œuvre majeure de la littérature japonaise de cette époque.
Les
listes de « Choses qui… » de dame Shonagon
traitent de sujets légers et poétiques, relatifs à la nature, aux
intrigues de cour, à son entourage précieux et raffiné.
Dans
l’atelier d’aujourd’hui, nous transférons cette technique à
l’expression de choses plus graves. Il s’agira de composer une
liste de « Choses qui… » sur des thèmes en
relation avec les campagnes d’Amnesty International.
Exemples
de listes possibles :
-
Choses qui m’indignent violemment
-
Choses que je rêve de voir disparaître
-
Causes que je me sens prêt-e à défendre
-
Choses que j’observe dans ma ville et qui relèvent des droits humains
-
Causes qui me donnent envie d’écrire
-
Choses auxquelles doit penser le prisonnier
-
Choses qui… (choisissez vous-même un intitulé)
2ème inducteur : la lettre du
prisonnier
Vous
vous mettez dans la peau d’un prisonnier qui sait qu’on va le
torturer pour lui extorquer des aveux.
Vous
écrivez quelques lignes à la personne de votre choix pour exprimer
vos sentiments.
Vous
pensez à la peur, à l’attente de l’interrogatoire, à l’écoute
des bruits alentour, aux sentiments envers les proches, le pays, la
liberté, la volonté de résister, la lutte, l’espoir…
3ème inducteur : la contrainte du prisonnier
Écrivez un texte sans lettres avec "jambes", comme les p, les d, les q, les j etc. afin de gagner de la place sur la feuille (moins d'espace entre les lignes)
***
1 – Liste des
choses qui me déchirent
un
enfant qui a faim
un
enfant humilié
un
enfant qui pleure
un
enfant battu
un
enfant violé
un
enfant qui a mal
un
enfant sans mère
un
enfant mort....
2
– Lettre d'un prisonnier
C'est un homme
qui sait qu'il va être torturé et qui pense qu'il va mourir.
Il
écrit à son petit garçon une lettre.
Je
l'ai voulue toute en douceur, presque banale car il s'adresse à un
enfant. Il parle de tout ce qu'il ne verra plus, ne sentira plus, les
petites choses de la vie qu'on oublie quand on est dehors . une façon
de lui dire: profite de la vie.
Il
dit : sois fort et le répète encore et encore, il se le dit à
lui-même car il a peur justement de ne pas être assez fort face à
la torture.
« Mon fils
chéri,
Il fait beau dehors.
Je pense à toi mon petit, mon tout petit.
Que
fais-tu en ce moment ? Regardes-tu le ciel bleu et les nuages
voyageurs ? Entends-tu les oiseaux qui piaillent librement ? Sens-tu
le doux parfum des fleurs ?
Une
nouvelle journée commence pour toi. Tu vas jouer avec tes copains,
faire des emplettes avec maman… Aide-la bien ! Elle a besoin de
toi, elle aura besoin d'un homme.
J'espère
que ton amoureuse t'aime toujours, on a tellement besoin d'amour ! Tu
rencontreras des méchants : sois fort, ne t'écrase pas devant
eux ni devant ceux qui te veulent du mal. Aie confiance en toi.
Oui,
sois fort, mon fils !
Embrasse bien maman.
Oh, on vient me
chercher,
Je t'embrasse. Sois
fort !!! »
Bernadette.
***
Sur
Deux Notes
ou
Rêve
de Clavecin
Quelle
idée bizarre, perverse, vénéneuse, ont-ils eu, ceux qui m'ont
exilé dans le grenier de cette maison, dans ce réduit sombre,
humide et froid ? Le jour ne me parvient que par une lucarne aux
carreaux sales et fendus. Parfois, une hirondelle se pose sur les
carreaux, il me semble apercevoir le dessous de ses pattes, c'est
comme un petit coucou que m'adresserait le printemps.
Dans
un angle du grenier, un lit cage. Dans l'autre angle, un coin
toilette, comme si les lieux devaient accueillir un visiteur que je
n'ai jusqu'à présent jamais vu.
À
présent... depuis combien de temps dure-t-il, mon éternel présent ?
Quand rien ne se passe, une seconde ou l'éternité, c'est du pareil
au même.
Je
commence à perdre un peu la mémoire, mais je crois me souvenir que
je n'ai pas toujours vécu ici , mais plutôt au rez-de chaussée de
la maison, dans une pièce immense aux murs lambrissés, au sol
couvert de riches tapis. Un lustre gigantesque, aux pendeloques de
cristal, éclairait parfois les visages des couples de danseurs
tendrement enlacés.
En
rêve, je me souviens d'un temps révolu, de fêtes englouties, de
bals oubliés.
L'écoulement
du temps, je le mesure grâce au calendrier qu'un homme, toujours le
même, vient accrocher parfois sur le mur plâtreux, face à moi. Je
suppose que cette brève visite indique l'arrivée de l'an neuf. J'en
ai compté tant et tant, de ces calendriers, depuis le début de ma
relégation, de mon exil... On dirait que des sadiques, mais qui
sont-ils ? veulent me faire sentir au plus profond de mon être
l'écoulement des secondes, des heures, des années, ces bourrelles,
ces bourreaux femelles.
Ce
matin, ou cette nuit, comment savoir, deux gardiens sont venus,
poussant doucement un homme dans la pièce, et puis ils ont refermé
délicatement sur lui la lourde porte de fer. Comment sont-ils faits,
ces gardiens ?... Je n'ai entrevu que leurs mains.
J'ai
compris : c'est pour cet homme qu'on avait installé, de toute
éternité, (quelle pensée absurde !), le lit-cage et le coin
toilette. Cet homme allait longtemps vivre avec moi, changer mon
destin, ou plutôt m'en donner un.
Le
type, vieux, long, maigre, visage ridé, porte sur ses épaules
voûtées une veste de smoking usagé. A sa boutonnière un œillet
fané. L'ancêtre fatigué s'est assis sur le lit, a regardé la
pièce, inquiet, et puis il m'a regardé moi. Il a souri. Alors il
s'est levé pour poser ses longues mains décharnées sur mon corps.
J'ai
cru renaître. Le vieux a joué, et en virtuose, sur mon clavier
" l'Hymne à la Joie ", l'une de mes compositions
favorites.
Alors
les deux gardiens ont surgi. Ils ressemblent à Laurel et Hardy, mais
sont-ils vraiment des rigolos ?
-
Cher monsieur, la musique est interdite par le règlement ! a susurré
Hardy.
-
Premier et dernier avertissement ! a doucement précisé Laurel.
Et
ils sont partis en fermant délicatement la porte, c'était vraiment
effrayant, tant de douceur.
Le
musicien qui m'avait ressuscité s'est allongé sur le lit-cage et
puis il a dormi longtemps me semble-il. Et puis il s'est levé pour à
nouveau caresser mon clavier. Il a joué le " La Marseillaise ".
Je n'aime pas trop cet air là, ce n'est pas une musique de ma
génération, mais il en faut pour tous les goûts, et toutes les
musiques sont belles, d'où qu'elles viennent, puisqu'elles
appartiennent à l'âme humaine, enfin, c'est le poète toulousain
qui l'affirme.
Alors,
les gardiens ont re-surgi, poussant la porte toujours en douceur. Le
sosie de Hardy tenait en main une tenaille minuscule, celui de Laurel
un immense sécateur. J'ai cru qu'ils allaient arracher, sectionner
les doigts du musicien, mais non, ils ont délicatement amputé mon
clavier de la première de mes touches noires, tout à gauche, le
plus grave des fa-dièze. (Je précise pour les mélomanes en herbe.)
Mais
ça n'a pas empêché le musicien de continuer à jouer, les jours
d'après, ou les nuits suivantes.
....
Bach, du jazz et ce bon vieux Fats Waller, des cantiques, des valses
musettes et de Vienne, le Chant des Partisans, celui des Marais, mais
aussi du Boogie, l'Internationale, des tangos, encore la
Marseillaise, des chansons d'amours voire franchement paillardes.
Chaque
fois les gardiens surgissent et ces salauds de sosies m'amputent de
l'une de mes touches. Ils ont arraché hier mon ultime touche noire.
Et
le vieux type s'obstine à jouer pourtant. Au début je l'ai haïe,
ce responsable de ma mutilation, mais à présent il est devenu mon
allié, et même mon ami. Mon frère d'arme, ou d'âme, en quelque
sorte. J'ai compris qu'il était ma raison d'être, et que j'étais
la sienne. Nous sommes un couple indissoluble. Nos destins sont liés.
Nous
avons donné, aujourd'hui, sur trois notes, un ultime concert pour
l'hirondelle posée sur la lucarne. Demain, Laurel et Hardy,
tenailles et sécateur en mains, m'amputeront délicatement et en
souriant gentiment d'une autre touche. Le musicien et moi ne pourront
plus émettre qu'un dérisoire ding-dong, un ridicule bling-blong,
(car je suis désaccordé), un genre de pin-pon, comme celui des
pompiers et des ambulances, juste avant le grand silence.
...
C'est fini. Laurel et Hardy m'ont amputé de ma dernière touche. Me
voici sans dents, comme une pauvre bouche.
Le
musicien est resté prostré longtemps, longtemps, assis sur le lit,
la tête entre les mains.
Et
puis il a souri. Il s'est levé pour se saisir d'un clou rouillé et
dessiner, sur le jaunâtre mur de plâtre, un clavier sur lequel il a
posé les mains. Il joue des mélodies muettes mais que j'entends
parfaitement.
L'autre
nuit, ou l'autre jour, comment savoir, car ce qui doit être une
neige épaisse obstrue la lucarne, j'ai fait l'un de ces rêves de
clavecin qui valent bien vos rêves d' humains.
J'ai
rêvé d'un jardin tout gazouillant d'oiseaux, tout parfumé par les
fleurs.
Un
cinéma en plein air y faisait revivre Laurel et Hardy, les vrais, et
des enfants de toutes les couleurs riaient, riaient.
J'ai
rêvé que j'avais de nouvelles touches, un corps tout neuf, et que
le musicien rajeuni, à la chevelure de jais, dans un smoking neuf et
impeccable au revers orné d'un oeillet frais cueilli, donnait un
concert dans une grande ville chargée d'histoire, entourée par sept
collines, comme Rome, et traversée en son milieu par une grande rue,
fleuve minéral. Une ville qui existera ou existe déjà. Une ville
de l'autre bout du monde ou une ville d'à côté, comment savoir là
aussi, le monde est après tout si petit.
Je
ne désespère pas. J'attends le printemps avec le musicien mon ami.
Aujourd'hui,
deux hirondelles sont venues se poser sur la lucarne.
Les
faux Laurel et Hardy ont essayé de les chasser en frappant sur la
lucarne avec deux grands balais mais demain ce sont trois
hirondelles qui viendront. Peut-être sept, une pour chaque note de
la gamme.
Il
me semble entendre, montant de la
rue proche,
la rumeur d'une révolte, et puis
un air de bal, un air
d'accordéon.
Et
les rêves des clavecins, c'est là
proverbe de luthier, toujours se sont réalisés.
Henri.
***
1
– Liste des choses qui m'indignent violemment
Lorsque
la femme en son printemps
Prend
la couleur rouge de sang
Du
soleil au loin se couchant...
Sous
les coups d'un mari violent !
***
Lorsque
l'enfant dans la misère
Suspend
sa vie à la patère
D'une
existence mortifère...
Au
regard de la terre entière !
***
2
- La lettre du prisonnier
Je
m'éveille au matin qui s'élève. J'aurais préféré m'endormir au
soir couchant et que ce fut le dernier, c'eut été sans doute plus
facile... Douze jours déjà que ça dure ; on m'emmène coucher le
soir lorsqu'on ne sait plus me réveiller. Le soir ou un quelconque
autre moment de la journée, le souterrain dans lequel je me trouve
ne laisse pas passer le moindre rai de lumière.
Le
silence est pesant : mortel, dirais-je. Entre-coupé chaque
seconde environ par le claquement d'une goutte d'eau qui tombe,
quelque part, tout près ou bien plus loin. La différence est si
faible, tant le silence est omniprésent et ne supporte pas la
moindre des perturbations. Ça me rappelle qu'en haut, la vie est
encore vie, j'imagine que le jour est encore jour, que les oiseaux
sont encore des oiseaux.
Je
n'ai rien dit en douze jours, je ne dirai rien le treizième... y
aura-t-il un quatorzième ? Parfois le bruit des talons,
assourdis par l'épaisseur de terre au-dessus de moi, vient
s'entrelacer entre les gouttes, comme un vieux morceau de jazz
syncopé. Les courants d'air m'apportent des odeurs de nulle-part ou
d'ailleurs, de renfermé, d'humidité... de souvenirs aussi qui se
réveillent : la cave sous la maison, le grenier au-dessus du
garage, …
Pareil,
différent... Tout se mélange. J'ai encore la liberté de respirer,
c'est toujours ça de pris, comme un pied de nez à mes bourreaux.
Bruits
de bottes... Une porte qui claque...
Je
pense à vous très fort !
Jean-François
***
1-
Liste de choses que je me sens prête à défendre
Le
droit de chacun-e à être libre de ses mouvements,
à
s’exprimer sans risque d’être emprisonné-e pour ses opinions
(étant
entendu que celles-ci ne nuisent pas à autrui)
Le
combat contre le viol comme arme de guerre
La
situation des enfants qui n’ont pas choisi d’être
Migrant-e-s,
Roms, « sans-papiers »
Une
répartition des biens qui n’affame pas un continent
pendant
que l’autre sature ses poubelles de nourriture excédentaire.
2
– Lettre d'un prisonnier
« A
mes camarades qui sont ici
Pour
celles et ceux qui, comme moi, ont été pris-es, je vais tenter de
faire circuler ce mot.
X…,
un de mes geôliers, m’a fait comprendre qu’il n’approuve pas
le travail qu’on lui fait faire. Je crois qu’il pourrait accepter
de faire passer cette lettre. Il saura à qui.
Ce
que je veux vous dire, c’est de garder espoir, de tenir bon.
Certes,
nous risquons à tout moment d’être « interrogé-e-s »,
et nous savons dans quelles conditions ça se passe.
Mais
je sais que les nôtres sont sur le point de tenter un coup de
force. Il est certain qu’ils auront la prison comme premier
objectif et qu’ils s’y préparent déjà.
D’ici
là je ne serai peut-être plus là. Je m’y attends, je redoute ce
moment. Je suis effrayé et impuissant à en changer le cours.
Ce
qui ne mourra pas, pourtant, c’est notre combat. Pour chacun-e
d’entre vous qui sortira d’ici, ma pensée vous accompagne et je
suis sûr qu’en allant témoigner de ce qui s’est passé entre
ces murs, vous recruterez sans mal : pour un-e camarade
disparu-e, ce sont dix nouveaux combattants qui se lèveront !
Vienne
le jour de la victoire ! Vienne le jour où notre combat sera de
rétablir la paix et la sécurité partout dans le pays. D’y
installer un Etat qui ne sera plus policier, totalitaire, assassin,
mais un Etat de droit et de justice.
Un
Etat, certes, orphelin de ses disparu-e-s mais qui remettra en marche
un appareil de justice et de réconciliation tel que, d’ici dix ans
peut-être, on aura, dans le pays, pleuré et enterré nos morts,
mais aussi reconstruit une vie digne pour nos enfants, pour vous…
pour moi peut-être, si la chance venait à me sourire…
Dans
tous les cas : Salut et Fraternité ! »
Marie-Hélène.
***
1
- Liste des listes
Les
choses qui m’indignent violemment sont toutes les sortes de
discriminations envers les homos, envers les élèves en difficultés…
Je
rêve de voir disparaître le racisme, l’homophobie…
Je
me sens prête à défendre tous les « vilains petits canards »
Dans
ma ville il y a beaucoup de Roumains qui sont obligés de mendier et
de faire les poubelles pour vivre… Vivre, pas s’acheter une
bague, un collier, mais VIVRE… ou survivre.
Écriture
qui remue de l’intérieur.
2
- Lettre du prisonnier
Mon
cher Frangin,
Comment
te portes-tu ? J’appréhende mon interrogatoire de demain.
Toi, tu le sais, je n’ai rien à me reprocher mais eux… Ils vont
me harceler avec leurs questions, auxquelles je ne sais que dire.
Ma
volonté de résister pour te revoir – tu sais, sans toi, je ne
serais plus en vie depuis longtemps – est de plus en plus forte.
L’espoir
de te revoir, de revoir ta maison, de voir ma belle-sœur, et puis il
y a la « mimine ».
Tu
me donnes la volonté de résister, de lutter.
Je
t’embrasse bien fort
En
espérant te revoir au plus vite,
Ta
frangine.
Nelly.
***
1. Les choses que je rêve
de voir disparaître :
Les
barreaux
Les
armes qui blessent
Les
punitions
Les
silences trop lourds
Les
pièges
Quatre
murs sans porte
Les
sérums de vérité
Les
mensonges pour le mal
Les
questions qui n’en ont que le nom
Le
sang qui coule sans renaissance
Les
chars quand ils sont d’assaut
Les
fleurs artificielles sur les tombes
Le
Quoi et comment quand il n’est plus que le où et quand
Les
campagnes qui sont de Russie ou d’ailleurs
Le
mot bâillonné, garroté
Le boulet de forçat
L’électricité
qui n’est plus lumière
L’entonnoir
qui remplit de malheur
L’odeur
de la mort avant l’heure
Tout
ce qui m’empêche d’aller vers toi
2. Lettre d’un prisonnier qui va être torturé
Chère
maman,
Tu m’as toujours dit de
mettre mon cache-nez , de rouler prudemment en vélo, de cirer le
cuir de mes chaussures, tu m’as aussi dit que la vérité est
toujours bonne à dire ou à taire, que vivre est une décision, que
l’acte libre détermine l’être entier, qu’il est bon d’écouter
les enfants et le vent, qu’aujourd’hui n’a qu’un temps pour
chacun et que l’éternité est pour l’homme à venir.
Maman
riche de ton cœur libre que tu nous as partagé, je suis dans cette
prison construite par ceux qui veulent et choisissent pour tous, ceux
qui ont oublié ce qu’est le petit matin quand l’oiseau te
réveille et t’appelle au dehors, ceux qui vont m’obliger à dire
le contenu de mon âme pour semer des malheurs, ceux qui sèchent le
pain que tu rompais pour nous.
Chère
maman, comme je suis fière du courage joyeux et comme j’ai peur.
Peur
de mourir, de ne plus vous voir, peur de ne plus goûter, sentir,
penser, dormir, rêver et chanter.
Chère
maman, mets ton joli tablier et fais-moi des beignets aux pommes,
pour ce jour nouveau.
Ta
fille,
Nicole.
***
1
– Liste des causes qui me donnent envie d'écrire.
-
Plaire aux gens que j'aime
-
Éviter le blasphème
-
Exprimer mes sentiments
-
Éviter les embêtements
-
Partager ma passion
-
Dire ce que j'ai au plus profond
-
L'Amour des lettres
-
Éviter de faire le pitre
-
Oublier les soucis du vieillard
-
Tuer l'ennui
Amour
des lettres, laissez la porte ouverte!
2
- Lettre d'un prisonnier
Que
dois-je faire ? Que dois-je dire ? Subir les aveux ou aller
contre eux ? Je ne sais plus quoi faire, j'aimerais arrêter de
penser, voire d'exister. Mes seules pensées sont celles qui me
mèneront pas loin… celle de ce moment… du jugement… J'aimerais
partir de cette prison, aller te retrouver, retrouver cet être aimé.
Mais je ne peux pas, je dois rester là. J'entends des claquements de
porte qui me rappelle quand tu rentrais du travail et que tu venais
me retrouver. Mais ça c'était avant que je sois arrêté. Faut que
j'enlève cette pensée, car elle va me ruiner … J'aimerais
tellement te retrouver… J'ai cette peur qui assaille mon cœur et
ne sait plus donner l'heure…! Je vais y arriver, je me le répète
sans cesse pour oublier cette paresse. J'aimerais tellement retrouver
mon pays, aller au-delà de ces barreaux. La liberté, lieu où on ne
peut être aliénés mais j'aimerais y rester, y aller et jamais me
retourner.
Sophie.
***
Dernière lettre
(en utilisant la « contrainte du
prisonnier »)
Mauvais soir ce
soir, ce soir noir, ce soir vaincu où vais mourir. Ce soir, écrire :
vivre encore un moment. Écrire : nécessaire. Écrire car vous
avez à savoir. Serré en ces murs de craie, écrire. Avec cette eau
de ma vie, eau carmin de mes veines, sur un mur, écrire.
Se souvenir :
ruisseau sur une mousse rousse, oiseaux sur un océan miroir, soirs
ocres et mauves... Ma main, nos mains réunies ; ivresse. Vos
sourires, nos rires : nous vivions.
Mais voici que
vais mourir. Mourir... Ne suis rien. Ou... un murmure ? Non,
même un murmure ne suis. Une aurore arrive, mais n'en verrai rien.
Rien ne suis, rien ne sommes.
Rien ? Ni
vous, ni moi ? Évanouis ? Aucun, aucune âme ? Rien
ne sommes ? Os secs, os en amas ? Non. Non ; vie vaine
ne veux avoir. Sommes vie, si nous aimons. Si vous m'aimez, suis. Si
nous aimons, nous sommes. Sauvés. Nous sommes sauvés. Nous aurons
vaincu.
Nous serons
oiseaux en un air moins noir. Nous serons nuées évanouies sur une
mer nacrée. Nous irons vers cieux azur. Vie nous serons. Vie nous
sommes. Moi comme vous ; nous sommes car nous aimons. Aimer,
vivre. Aimer encore, vivre encore. Ainsi nous sommes. Encore, encore,
encore.
Vous, et moi,
verrons aurores, soirs aussi. Vous vivrez, aimerez, rirez encore. En
vous, avec vous vivrai. En vous serai, aimerai, rirai.
Une aurore
arrive, vous verrez. Nous serons soir, nous serons aurore. Nous
serons.
Pris !
Leur mépris. Trop bête ! Pris !
Ça devait arriver. Seul, maintenant. Où ? Noir. Froid. Peur.
Faim, soif. Tenir. Combien de temps ? Tenir encore...
toujours ? Plus rien à quoi s'accrocher. Eux, pourtant, eux,
dehors, eux vivants. Vivants... peut-être ? Quelle vengeance
sur eux ? Quel mépris ? Faim. Souffrir. Soif mais tenir.
Ils arrivent ! Combien ?
Pourquoi ? Les coups... Terreur. Souffrir, tant et tant...
S'évanouir. Jeté par terre. Le noir, encore. Le froid. Mais tenir.
Dormir. Ne plus en entendre. Les cris. Mes cris. Leur mépris. Leurs
sourires malfaisants. Mourir ? Dans combien de temps ? Seul...
Mais eux, pourtant ? Les autres ?
Dehors, peut-être encore dehors, peut-être encore vivants. Oui ;
vivants. Il faut. Sinon... alors s’accrocher. À cette idée.
Vivants. Vivre. Tenir. Mais eux pourtant, dehors, quelle terreur ?
Quels mensonges...
Soif, faim, froid, noir. Souffrance.
Trop. Plus. Plus rien.
Qui suis-je encore ? Suis-je
encore ? Mais eux pourtant... Eux, dehors. Ils comptaient sur
moi. Qui compte encore sur moi ? Pourquoi ? Que puis-je ?
Qui suis-je ? Que suis-je ? Loque qui saigne, qui vomit,
qui pue. Qui vit encore, pourtant.
Tenir : à quoi bon ? Finir
plutôt ; mourir. Mais comment ?
Laisser… Ils viennent. Encore !
Pour qui ? Pas pour moi, non pas pour moi, pourvu que... Si,
pour moi. Alors baisser la tête. Tenir en baissant la tête. Leur
mépris. Leurs coups. Leurs sourires malfaisants. Leur mépris.
N’être plus rien. Une loque encore palpitante. Tenir encore...
espérer, ou mourir ?
Sarah.
***
1 – Choses
auxquelles doit penser le prisonnier
Quel temps fait-il
dehors ?
Comment va ma
famille ?
Ont-ils aussi été
arrêtés ?
Quand pourrai-je
sortir ?
Depuis combien de
temps suis-je ici ?
Quelqu'un se
préoccupe-t-il de mon sort ?
Est-ce la nuit ou le
jour ?
Quand va-t-on venir
me prendre pour me torturer ?
Aurai-je un avocat ?
Vais-je avoir un
procès équitable ?
Va-t-on me laisser
parler ?
La cause que je
défends en vaut-elle la peine ?
Combien d'autres
personnes sont dans mon cas ?
Vais-je pouvoir
sortir un jour ?
Pourrai-je voir une
dernière fois mes enfants ?
Vais-je m'en sortir
ou mourir ici ?
Y a-t-il un moyen de
s'évader ?
Existe-t-il un pays
où je pourrais m'exprimer en toute liberté ?
Vais-je pouvoir
résister longtemps ?
2 - La lettre du prisonnier
Du fond de mon
cachot, je t'écris, ma douce.
Je ne sais si cette
lettre te parviendra.
J'ai vu l'avocat. Il
m'a fait passer ta lettre. J'aurai voulu la conserver sur moi, mais
comme le papier est rationné ici, j'écris au dos de celle-ci. Le
pain que tu as fait passer a bien profité à mes gardiens, même
s'ils m'ont accordé d'un manger un morceau que j'ai longuement
savouré.
Excuse mon écriture
illisible. Je n'ai plus mes lunettes et la seule lueur ici est celle
d'un néon qui me donne la migraine et m'empêche de dormir. Ce qui
est le plus ennuyeux ici, c'est que le pot de chambre n'est vidé que
tous les deux ou trois jours. Les mouches me tiennent compagnie,
comme les cafards. Je ne sais pas comment ils arrivent à entrer à
travers ces murs sans failles. Si je le savais, je pourrais
certainement me faufiler dehors par le même chemin. J'ai perdu
tellement de poids que je perds en permanence mon pantalon. Un des
geôliers a été assez compatissant pour me donner une ficelle afin
de le faire tenir. La nuit, j'entends les prisonniers des cellules
voisines gémir ou hurler. Mais je n'ose me plaindre de ce tapage
nocturne. De toute façon, comme je te l'ai dit, je ne dors pas
beaucoup. Et tu me connais : j'ai toujours été insomniaque.
Je dois te quitter.
Le néon faiblit et je n'ai plus de place pour écrire.
Comment vont les
enfants ? Embrasse-les ainsi que ma mère et tes parents pour
moi.
Dis-leur que je vais
bien et que je sortirai bientôt.
Au revoir, ma douce
et porte-toi bien.
Greg.
***
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