Animé
par : Patricia
À
partir des premières phrases d'une chanson, tirée au sort, écrire
une suite.
***
RENAUD
J'étais
tranquille, j'étais peinard accoudé au flipper. Le type est entré
dans le bar, a commandé un jambon beurre…
Le
type est entré dans le bar, a commandé un jambon-beurre, mais, plus
de jambon en réserve lui a-t-on signalé.
– Bah
! dit-il conciliant, une tartine de beurre suffira…
– Ouais
? ok !
Et
le voilà qui attaque sa tartine à pleines dents et la savoure avec
gourmandise.
Ca,
constate-t-il, c'est la sobriété heureuse, savoir apprécier le
moins quand on rêvait du plus…
Mais
au moment de payer, il espéra une petite réduction, y' avait pas
d'jambon tout d'même !
Le
barman n'avait pas de tarif pour une tartine sans jambon. Que faire ?
Le
dilemme était terrible :
– j'peux
pas vous faire un prix, y'en n'a pas !…
– j'peux
pas vous rendre la tartine, j'l'ai mangée…
Et
moi qui étais peinard reluquant le flipper, tranquille, me voilà
témoin du conflit… on va quand même pas me d'mander mon avis…
parce que j'en'ai pas et j'm'en fous… j'avais même pas faim, alors
vot'tartine, j'm'en bats l'oeil !!…
– qu'en
pensez-vous, jeune homme ?
Ça
y est, voilà qu'on m'interpelle !
– y'a
qu'à lui donner, moi j'ai pas d'autre avis…
– mais
j'peux pas, mon patron verra bien qu'une tartine est manquante, il
m'accusera d'l'avoir mangée et j' risque de perdre mon boulot !…
j'
peux pas lui en faire cadeau : ça coûte le prix du jambon-beurre,
voilà tout !
Ah
non alors ! Va pour la sobriété, mais si elle coûte le même prix
que l'abondance, où va-t-on ?
– un
tarif ça doit pouvoir se modifier…
– ouaii,
mais pas par moi, faut respecter la hiérarchie, je ne dispose pas de
prérogatives en la matière…Jeune homme qu'en pensez-vous ?
– Encore
! J'veux jouer au flipper peinard et les problèmes métaphysiques
j'vous ai déjà dit que je m'en bats l’œil !
– y'a
pu qu'une chose à faire : j'vais aller dans vos lavabos vous la
rendre vot'tartine et je ne verserai pas un sou…
Qui
fut dit, fut fait…
le
jeune homme reprit la contemplation du flipper,
le
barman, fortement dépité, s'interrogea sur son avenir professionnel
au sein du bar,
et
le client repartit en méditant sur la sobriété heureuse…
Laisse
béton !!!
Michelle.
***
MAXIME
LE FORESTIER
C'est
une maison bleue, adossée à la colline, on y vient à pied, on ne
frappe pas, ceux qui vivent là, ont jeté la clé…
On
y croise des tas de gens,
des
bons ou bien des mauvais,
tous
y passent du bon temps,
amoureux
comme mal aimés,
On
y voit parfois un sage,
que
d'autres disent brigand,
qui
y compte les mirages
des
hommes face au temps.
On
entend parfois chanter
dans
la petite pièce du fond
une
voix désabusée
par
le cœur et sa raison.
On
y entre frêle ou fort,
le
souffle court ou reposé,
on
s'y assoit, y mange, y dort,
mais
on ne l'oubliera jamais.
Silver.
***
Mes
chers parents je pars
Je
vous aime, mais je pars
Vous
n'aurez plus d'enfants
Ce
soir
Je
ne m'enfuis pas je vole
Comprenez
bien je vole
Sans
fumée, sans alcool
Je
vole, je vole
Vous
n'aurez plus d'enfants et…
Je
n'aurai plus de problèmes, plus d'or
De
ma vie je prends les rênes pour l'envoyer dans le décor
Mes
chers parents, j'ai vu déjà
L'intégrale
de mes tourments et que tout s'arrêtait là
Je
ne m'enfuis pas et pourtant je dois reconnaître
Que
c'est l'image que je donne en traversant cette fenêtre
Naître
fut une erreur dont je ne suis pas responsable
Mais
vous ne vouliez que mon bonheur, ne vous sentez pas coupable
Je
pars, ce soir je vole, je le fais en étant sobre
L'ivresse
ne sera pas une excuse pour qualifier ma méthode
De
quitter terre, de vous offrir beaucoup de peines
Vaine
tentative de vie saine, alors je pars
Comme
lors de mon entrée en scène
Chers
parents ce serait horrible de ne pas vous demander pardon
Comprenez-moi
j'étais la cible de mon trop-plein d'émotions
J'ai
fait le pas qui mène au vide, je vous le répète, lucide et sage
Laissant
derrière moi dessins et écritures comme héritage
Je
m'enfuis pas, je vole, dans un halo d'éclats de verres
Espérant,
comme une luciole, briller dans cet enfer.
Jerry.
***
C'est
un endroit qui ressemble à la Louisiane, à l'Italie. Il y a du
linge étendu sur la terrasse et c'est joli. La femme de ménage du
manoir a fini son travail pour cette matinée ensoleillée et se
prélasse gentiment sur le banc soleil, un livre à côté d'elle et
une limonade à portée de main. Le chat ronronne sur ses genoux. Ses
patrons sont partis pour le week-end. Elle est libre et sereine. Ah,
ce qu'elle aime son nouveau travail. Vraiment ce nouveau cadre est
idyllique. C'est un nouveau départ pour elle. Après la mort de son
mari, qui subvenait à tous ses besoins, elle s'était retrouvée
seule, isolée de tous. En effet, Emeline, fille unique, avait
épousée Isidore, son amour de jeunesse, à 17 ans. Ils avaient été
heureux pendant plus de 20 ans jusqu'à ce qu'une rupture
d'anévrisme, n'emporte, sans crier gare, vers l'au-delà, son cher
et tendre époux. Orpheline de naissance et n'ayant pas enfanté,
Isidore était sa seule famille. Mais le hasard ou la vie, fait
parfois bien les choses puisque très rapidement, après les
funérailles, Emeline fut mise en contact, par le curé du village,
avec cette famille bourgeoise pour qui elle travaillait désormais.
Les Durantin étaient charmants. Anne Clothilde, la mère, s'occupait
à plein temps de l'éducation de leurs enfants : Jean-Charles – 10
ans, Pierre-Edouard – 8 ans et la petite dernière Anne-Sophie –
6 ans. Le père, Charles-Edouard, s'occupait des affaires et de la
gestion de leur patrimoine. Emeline aimait jouer avec ces 3 petites
têtes blondes. Elle les considérait un peu comme ses enfants. Elle
leur racontait des histoires le soir au coucher et leur préparait
amoureusement de délicieux gâteaux. La petite dernière était une
fan de charlotte aux fraises. Quant aux garçons, ils préféraient
largement le gâteau au chocolat. La vie s'écoulait paisiblement,
ici, au manoir, depuis bientôt 5 ans. Plongée dans son roman dont
elle dévorait les pages, Emeline ne vit pas le temps passer. Elle
s'endormit bientôt et fit tomber à ses pieds son livre ce qui
réveilla le gros matou. Ce dernier partit se dorer la pilule sur un
tas de bois au coin de la bâtisse. C'est le klaxon du facteur qui
venait déposer un recommandé qui la réveilla. Comme de coutume,
ils prirent tous deux le temps d'échanger autour des nouvelles du
village. Le nouveau maire semblait hautement dynamique et vindicatif
car " ah ça non, le nouveau tracé de l'autoroute ne viendrait
pas perturber le calme de sa communauté, ni prendre les terres des
paysans installés ici depuis des générations. Oui, toutes les
manifestations traditionnelles seront maintenues et même
développées". Prochainement, le village devrait accueillir un
nouveau boulanger en lieu et place du précédent prenant sa
retraite. Cet étranger viendrait de la grand-ville. Comment
allait-il s'adapter à la vie d'un village d'à peine 200 âmes ? La
ville, Emeline, n'y avait jamais mis les pieds. Elle s'en faisait une
idée en fonction des histoires que lui racontait le facteur et puis
elle écoutait malicieusement les discussions à la sortie de la
messe.
Virginie.
***
Ah
m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi.
Et
regarder les gens tant qu'y en a.
Te
parler du bon temps qu'est mort et qui reviendra.
(Renaud,
Mistral Gagnant)
Regarder
les arbres qui jouent les fantômes,
Repartir
bras dessus, bras dessous, vers notre « Home Sweet Home »
En
gazouillant comme des oiseaux marrants.
Trottinant
dans l'herbe fraîche, au bord des ruisseaux coulant
Vers
l'océan des Merveilles.
Et
nos cœurs en sommeil
S'éveilleront
alors
Et
sur la route, au bord,
Nous
nous déclarerons notre flamme
Qui
emportera tout comme une invincible lame.
La
tempête rugira
Et
nos cheveux embrouillera.
Comme
dans ces films où l'amour n'est jamais tranquille,
En
un battement de cils, nous changerons de ville
Et
nos mains joyeuses s'enlaceront,
Nous
entraînant dans une ronde à flonflons
Au
bruit de l'accordéon de nos cœurs
Qui
feront entendre une rumeur
Dans
tous les villages
Traversés
par notre équipage.
Tournoyant
dans l'air frais,
Nous
verrons notre reflet
Dans
l'eau bleue de tous les lacs
Qui
nous sembleront des flaques.
Puis
le vent nous déposera
Au
pied d'une montagne ou dans un vieux débarras
Mais
qu'importe,
Tant
qu'il y a une porte
Pour
enfermer le monde dehors
Et
mettre à l'abri nos deux corps
Fatigués
par ce périple
Aux
péripéties multiples
Et
nous nous endormirons au gré des vagues de nos souvenirs,
Bercés
par la brise et nos ensommeillés soupirs.
Greg.
***
Comme
un arbre dans la ville
Je
suis né dans le béton
Coincer
entre deux maisons
Sans
abus, sans domicile.
Mes
feuilles tombent sans jaunir
Sans
attendre de l'automne
Je
donne le vide à mes esprits
Quand
l'hiver s'approche.
Le
vent souffle dans le vide
Et
balaya mes feuilles
Je
me sens dans le vide
Entourer
de l'ombre.
Gaiane.
***
« Comme un arbre dans la ville / Je
suis né dans le béton / Coincé entre deux maisons / Sans abri, sans
domicile (…) » (Maxime
Le Forestier)
Je suis de
sable ou de plastique
De bois de
fer ou de ciment
Mon regard
fixant le firmament
Ma flamme
illumine l’Atlantique
Caressé par
tous les vents
Les oiseaux,
les rayons du soleil
Sculptant
chacun de mes détails avec l’étincelle
Des comètes,
aux étoiles luminescentes
L’ovale de
mon visage pâle
Inaltérable
par delà les océans
Les yeux
rieurs levés levés vers moi des enfants
Admirant à
mon tour leurs mille visages
Belle à se
damner
Mon corps
recouvert de vert de gris
Donne à mon
âme de bronze gris
Je suis
statue de la paix
Souvent
repeinte de couleur incertaine
De par
l’univers on me reconnaît
On vient de
loin pour me photographier
Monter mes
marches d’escaliers par centaines
Je fais de
l’ombre à la Tour Eiffel
Ma petite
sœur
Au son d’un
même cœur
Toutes deux
faites d’ombres et de lumières
Offerte en
présent à des hommes
De pauvres
gosses dans les rangs
Qui sur notre
sol ont versé leur sang
Pauvres bêtes
de somme
Pour une
guerre qui voulait changer
Vos espoirs,
votre façon de penser
Mais surtout
plus que tout effacer
Mon
nom : Liberté
Patricia C.
***
« Les gens qui voient de travers
/ Pensent que les bancs verts / Qu'on voit sur les trottoirs / Sont faits pour
les impotents ou les ventripotents / Mais c'est une absurdité / Car à la vérité
/ Ils sont là, c'est notoire / Pour accueillir quelque temps / les amours
débutants. »
C’est
l’automne et c’est la pluie qui jaunit les feuilles.
Kassoum
et Wilfried repeignent en rouge le banc du square.
C’est
le bureau du Pâle Emploi qui leur a fourni ce « travail ». Les
guillemets du mot « travail » sont si lourds qu’ils tombent
d’eux-mêmes au sol, ainsi que le sens du mot « travail », le sens
d’être ici aujourd’hui sous la pluie à peindre un banc. Un seul. En rouge.
Le
chef jardinier gueule comme un âne. Selon lui, le banc devrait rester vert,
comme tous ses collègues. Les collègues du banc bien sûr, pas les siens à lui
le jardinier.
La
peinture rouge a été fournie par la mairie, le « salaire » (encore
des guillemets pesants) est assuré par le Conseil Général : 4,72 euros de
l’heure. C’est un contrat d’entrée dans l’antichambre de l’insertion, quatre
heures par jours, trois jours par semaine.
Kassoum
pense aux trois semaines de son voyage dans la cale du bateau qui l’a jeté sur
une côte européenne, il ne sait pas laquelle, d’où il a envoyé à sa mère ce
texto : « ça y est, je suis
arrivé chez les Blancs ».
Wilfried
tient le parapluie au-dessus de Kassoum, qui tient le pinceau et peint.
Les
feuilles jaunissent. Wilfried est bleu de froid. Les autres bancs verts, de
loin, rougissent de ce projet artistique à la con qui transforme leur collègue
en pseudo-objet d’art soviétique. Ils sont gênés pour lui.
Wilfried
pense à ses trois chiens qu’il a laissés dans son studio, un studio tout neuf
dans lequel on l’a installé après l’avoir extrait de la rue. Il espère que les
chiens se tiennent tranquilles, ils ne sont pas habitués à être loin de lui.
Le
chef jardinier passe et leur dit qu’il pleut trop maintenant : on range.
Kassoum
mangerait bien du riz. Il pense – en moré – au riz que cuisinait sa mère, au
pays. Quand il a pris la décision de partir elle lui a dit oh là là tu fatigues ma vie.
Wilfried
pense à la gentille voisine à qui il a expliqué ce matin que dans le quartier,
son surnom c’est « Will-l’homme-aux-trois-chiens ».
Will-l’homme-aux-trois-chiens
fredonne la chanson de Brassens. Ils s’en vont. Le banc mi-rouge mi-vert
ressemble à une réclame pour la Légion Etrangère.
La
pluie s’arrête. Kassoum et Wilfried existent.
Bancs verts Gens
travers-voyants Amours
débutants
Vérité
notoire
Bancs
accueillants Trottoirs
gris Gens
impotents
Travers
notoire
Il ne faut rien changer dans le square
/ On doit réserver le rouge aux géraniums / 4,72 x 4 x 3 c’est un peu plus que
le montant de / L’ASS (Allocation de Solidarité Spécifique) / Ass, en anglais,
ça veut dire : cul
Bancs ventripotents Impotents traversants Trottoirs
accueillants
Absurdité
notoire
(Morale élémentaire selon Queneau)
« Pam, pa-dam
pa-dam pa-dam, / pa-dam, ti-lam, la-lam, / Ti-lam, ti-lam, la-lam… »
Marie-Hélène.
***
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