Animé par :
Marie-Hélène
Extrait de « Les
Fleurs Bleues » de Raymond Queneau
« Le
vingt-cinq septembre douze cent soixante-quatre, au petit jour, le
duc d'Auge se pointa sur le sommet du donjon de son château pour y
considérer, un tantinet soit peu, la situation historique. Elle
était plutôt floue »
Imaginer la suite.
***
Le Baron d'Arconay
ne lui avait pas prêté hommage, c'est-à-dire qu'il n'avait pas
renouvelé la promesse de feu son père d'être son vassal et de le
servir à chaque fois que son devoir le lui commanderait. Ce félon
avait en outre promis sa fille au Duc de Lamaury, dont les terres
avoisinaient la baronnie.
Le Duc d'Auge ne
savait donc pas quoi faire. Entrer en guerre contre ce d'Arconay de
malheur pour tenter de mater ce malotru et encourir les foudres du
Duc de Lamaury dont l'armée pouvait fort bien entrer en campagne,
envahir son duché et le mettre à sac ? Sans compter que
Lamaury était bien vu à la cour du Roi de France.
Ou bien laisser
faire les choses, alors que son honneur était en jeu, et risquer de
passer pour un faible aux yeux de ses vassaux qui s'empresseraient
alors d'imiter ce traître et de se mettre sous la protection d'un
autre suzerain.
Son destrier hennit
dans l'écurie. Il descendit prestement du donjon pour prendre
conseil auprès de lui.
« Va falloir
faire un choix, dit l'animal en mâchouillant une gerbe d'avoine.
« Je sais
bien, dit le Duc en soupirant.
Il s'assit sur la
paille, découragé.
« Je t'envie,
toi et ta vie de canasson. Tu n'as pas de dilemmes, tu vas où les
hommes te mènent, reprit-il.
« Tu
m'emmènes à la guerre ou à la chasse, sans me laisser le choix.
Toi, tu as le choix et les responsabilités de prendre des décisions
t'incombent. Chacun ses difficultés, répondit l'animal philosophe.
« Alors, que
me conseilles-tu, ô ami équidé ?
Le cheval engloutit
encore quelques bouchées d'avoine et le silence s'installa,
uniquement troublé par le bruit des molaires écrasant les tiges.
Puis il déglutit
et se tourna vers son maître.
« Il y a une
troisième solution entre la défaite militaire et le déshonneur.
J'ai cru comprendre que ce baron était veuf, comme toi. Propose-lui
une de tes filles en mariage et une partie de tes terres en dot.
« Mes
terres ? Alors je devrais céder des terres et confier une de
mes filles, la prunelle de mes yeux, à ce criminel ?
Si le cheval avait
eu des épaules, il les aurait haussées.
Il plongea son
museau dans le bac et but goulûment.
Puis il releva la
tête et dit d'un ton sentencieux :
« Entre la
mort et le déshonneur, le passage est parfois étroit et tortueux. À
ta guise, mon maître.
Il émit ensuite un
hennissement qui fit trembler les murs de l'écurie.
Le sage avait
parlé. Le Duc se retira et remonta sur le donjon pour considérer la
situation d'un œil neuf.
Un dilemme à trois
issues. Ça se compliquait considérablement.
« Quelle idée
aussi, de demander conseil à un cheval, se dit-il en marmonnant.
Greg.
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